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REVUE. — CHRONIQUE.

reste, ces alliances ne sont qu’une réciproque duperie ; ceux qui croient y gagner, y perdent la considération publique. »

Les belles paroles que nous venons de citer sont de M. Thiers. Nous les retrouvons dans l’ouvrage qu’il publia en 1831, sur la monarchie de 1830, et nous les livrons sans commentaires aux membres de la coalition. Dans cet admirable travail, M. Thiers a traité une partie des questions qu’il agite lui-même aujourd’hui à la tribune, et il les a traitées avec tant de supériorité, que nous croyons à propos de le suivre dans la belle défense qu’il faisait alors de la politique extérieure du gouvernement de juillet.

Ce qui se trouve parfaitement prouvé par le beau discours de M. Molé, en réponse à M. Thiers, sur l’affaire de Belgique et sur la question d’Ancône, c’est que la politique du 13 mars, du 11 octobre et des cabinets suivans, en exceptant sur un seul point le cabinet du 22 février, était tout-à-fait conforme à la politique du 15 avril. La dépêche de M. Thiers, lue à la chambre par M. Molé, a été regardée comme une pièce d’une haute importance, et sous un certain point de vue, elle l’est, en effet. Selon les termes mêmes de cette dépêche, le chef du ministère du 22 février envisageait la convention d’Ancône ainsi que l’avaient fait ses prédécesseurs. À ses yeux, c’était un traité. L’exécution lui semblait seulement devoir être différée ou éludée. C’est ce qui résulte évidemment des termes de la dépêche. Or, le traité était formel : la retraite des Autrichiens devait s’opérer simultanément avec celle de nos troupes. Rester après le départ des Autrichiens, c’était les provoquer à envahir de nouveau la Romagne, et à l’occuper indéfiniment ; c’était faire ce que la politique de la France devait éviter à tout prix ; c’était, pour nous servir d’une belle expression de M. Thiers, qui blâmait, en 1834, une telle pensée, c’était jeter l’Italie sur les baïonnettes autrichiennes, tandis que, selon M. Thiers, l’Italie avait tout à gagner à une situation pacifique. En même temps, M. Thiers, jetait dans la dépêche citée par le président du conseil, les bases d’une politique nouvelle, qui n’était ni celle de M. Casimir Périer, ni celle du ministère du 11 octobre, car celle-là s’appuyait sur la fidélité due aux traités, et elle basait son influence, en Europe, sur le respect des engagemens. En enjoignant à l’ambassadeur de France, à Rome, de déclarer, au besoin, que le fait de la retraite des Autrichiens n’entraînerait pas nécessairement celle de nos propres troupes, le ministre des affaires étrangères du 22 février, entrait, sans nul doute, dans une voie nouvelle, et il changeait la face de la politique de la France. Aussi avons-nous vu avec quel enthousiasme la conclusion de cette dépêche a été accueillie par l’extrême gauche, quand M. Molé l’a portée à la tribune, et, en même temps, avec quelle consternation, mêlée de surprise, M. Guizot s’est hâté de demander la parole pour incidenter sur la communication de cette pièce. Mais M. Guizot aura beau faire, et essayer de détourner la question du fait principal, il reste acquis comme fait politique. La lecture de cette dépêche a comblé de joie M. Mauguin, ainsi que toute l’extrême gauche ; et le parti de la pro-