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DE LA PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE.

les anciennes éditions, les livres rares et curieux, vente qui appauvrit certainement une nation, la part demeure assez faible pour les livres nouveaux qu’on remplace probablement par les contrefaçons belges. Une convention entre les deux états est donc également avantageuse, également désirée. Elle déterminerait bientôt une modification de la loi anglaise, peu favorable jusqu’ici à la propriété littéraire. On sait que la publication d’un ouvrage confère un privilége de vingt-huit ans, et que si l’auteur vit encore après cet espace de temps, il conserve ses droits sur son œuvre durant le reste de sa vie.

L’Allemagne a préludé déjà aux mesures qu’elle invoque contre la contrefaçon par des lois qui règlent les droits de l’intelligence. Si les conditions de l’hérédité temporaire ne sont pas les mêmes partout, le principe du moins en est généralement admis, et les résolutions prises provisoirement par la diète germanique doivent être solennellement régularisées en 1842. En attendant, tous les états confédérés ont pris l’engagement de respecter mutuellement les titres légitimes. L’Allemagne, qui a récemment eu à se plaindre de quelques contrefaçons faites à Paris, et qui redoute surtout la supériorité des presses parisiennes, réclame très vivement une loi de garantie inter-nationale. Déjà même le vœu de tous les esprits élevés dont elle s’honore a été prévenu par le roi de Danemark : une ordonnance qu’il a rendue en 1828, interdit le commerce des contrefaçons. Ces dispositions sont très heureuses pour nous. La concurrence belge sera frappée mortellement le jour où ses produits cesseront d’avoir un libre cours au-delà du Rhin. Présentement, l’Allemagne nous fournit pour 350,000 à 400,000 francs de livres, et reçoit en retour une valeur à peu près double. Si l’on s’entend pour mettre un terme à la fraude, l’échange deviendra beaucoup plus actif, et la proportion en notre faveur beaucoup plus décisive.

En 1834, la Russie a compté, huit cent quarante-quatre publications. Dans ce nombre figurent quatre-vingt-onze ouvrages allemands et trente-six en langue française. La propriété de plusieurs de ces ouvrages était, sans doute, établie à l’étranger. Il ne faudrait pourtant pas conclure de ce fait que la Russie est directement intéressée au maintien du droit de contrefaçon. Elle paraît même préférer les belles éditions originales aux imitations furtives. Les demandes qu’elle adresse à Paris s’élèvent environ à 600,000 fr., et on assure que les expéditions de la Belgique restent très inférieures à cette somme.

Dans les contrées morcelées en petits états, comme l’Italie et la Suisse, la propriété littéraire reconnue par la loi, ou conférée par privilége, n’est pour les auteurs qu’une garantie illusoire, puisque le droit établi à Zurich n’est plus valable à Lucerne, puisqu’un libraire de Florence peut s’approprier un livre publié à Rome. Une loi inter-nationale, proposée par les grandes puissances, mettrait fin à ce déplorable état de choses. Il faudrait, à la vérité, entrer en correspondance avec chacune des principautés italiennes, avec