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— Laissez-moi lui mettre une balle dans l’estomac, s’écria un second en soulevant son fusil.

M. Storel l’arrêta.

— La poudre est rare, garçon, dit-il tranquillement, garde la tienne pour une meilleure occasion.

— Qu’on le tue alors à coups de pierres comme un chien, reprit le paysan.

— C’est une idée, répliqua Storel nonchalamment.

— Il faut le pendre au chêne du carrefour, dit un autre.

— Lui couper la tête.

— Lui crever les yeux.

— L’enterrer vif.

Toutes ces propositions étaient faites presque en même temps ; le Vendéen les écoutait avec un sourire capable.

— Vous êtes des enfans, dit-il enfin ; c’est moi qui me charge du bleu.

Un frisson d’horreur me parcourut : je savais à quelles horribles tortures les brigands soumettaient leurs prisonniers, et je voyais dans tous les yeux une férocité sinistre. La colère des royalistes avait crû avec leurs menaces, la cruauté avait passé de leur langage dans leurs intentions, et, en cherchant un genre de supplice, la soif du sang leur était venue.

Ils entourèrent le Vendéen qui chargeait tranquillement sa pipe. — Qu’allez-vous faire du pataud, monsieur Storel ? demanda le plus hardi.

Le chef regarda autour de lui.

— Voyons, dit-il, êtes-vous en goût de rire ? Si vous voulez, je le ferai danser pieds nus sur des tisons, ou bien je lui emprunterai ses deux oreilles pour les lui faire manger à souper.

— Oui, oui, s’écrièrent quelques-uns avec un rire farouche.

— Mais ça ne le tuera pas, dit celui qui avait voulu lui tirer un coup de fusil

— De la patience donc ! répondit Storel, faut jamais se presser !… Est-ce que tu ne veux pas qu’il se sente mourir, le citoyen ? Nous commencerons par en tirer de l’agrément… Et quand il sera fatigué, nous le clouerons à la porte de la baraque en manière de chauve-souris, avec la lettre des représentans cousue sur la poitrine… Ça vous va-t-il, mes gars ?

— Oui, oui.