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Quelquefois alors deux mains s’avançaient entre les baïonnettes, la mère jetait son fils, et continuait sans savoir même à qui elle l’avait légué ! Je ne sais combien de temps il en passa ainsi !… Lorsque le dernier eut disparu, Mme Benoist poussa un cri de joie.

— Il n’y est point, me dit-elle, venez.

— Laissons d’abord passer ces gens.

En effet, Robin[1] et ses compagnons descendaient du Bouffai, portant des mannequins chargés d’objets précieux enlevés aux malheureux qui allaient périr. Nous nous retirâmes dans l’ombre pour qu’ils ne pussent nous voir. Les hommes armés s’étaient dirigés vers la Loire, et l’on voyait briller les torches au milieu du fleuve ; bientôt des coups de hache retentirent… Un cri terrible s’éleva et mourut presque aussitôt… Les torches avaient disparu !…

L’escalier était libre, nous montâmes en courant à la prison. Je présentai le papier au geôlier.

— Le citoyen Benoist, dit-il ; il est mort sans doute, car on l’a appelé tout à l’heure sans pouvoir le trouver.

Mme Benoist et moi nous échangeâmes un regard.

— Conduisez-moi à son cachot, dit-elle, je veux le chercher.

Je la laissai monter avec Lagueze ; elle reparut bientôt accompagnée de Benoist. Nous nous jetâmes dans les bras l’un de l’autre.

Une heure après, ils avaient tous deux quitté Nantes, et je faisais moi-même mes préparatifs de départ.


E. Souvestre
  1. Un des chefs des noyeurs.