Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/514

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
510
REVUE DES DEUX MONDES.
parmi ces nobles auteurs César Strabon, Jules César le dictateur, qui débuta fort jeune encore par l’Œdipe, comme Voltaire ; Asinius Pollion ; Quintus Cicéron qui, en seize jours, improvisait quatre tragédies, ce qui atteste du zèle, sinon une grande vocation ; Octave qui s’occupa d’un Ajax ; Lucius Varius, si connu par son Thyeste ; Ovide par sa Médée, etc. Sans doute que toutes ces tragédies ne furent pas jouées ; mais qu’importe, puisqu’il s’agit de compositions et non de représentations dramatiques ?

L’histoire ne confirme pas mieux, en ce qui touche la comédie, les idées de M. Granier de Cassagnac. Il est vrai que s’il fallait en juger par les noms des comiques dont nous possédons quelques œuvres entières, Plaute, qui paraît sorti de l’esclavage, et Térence, l’affranchi de Terentius Lucanus, viendraient en aide à ces idées. Mais les autres comiques furent-ils aussi des affranchis ? Nævius lui-même, qui donna probablement la première comédie à Rome, était-il sorti de l’esclavage ? Nous adresserons la même question au sujet de T. Quintius Atta, sur le compte duquel Schœll, par une de ces méprises dont son ouvrage fourmille, met la visite que L. Attius fit à Pacuvius retiré à Tarente[1]. Et L. Afranius que, par une autre méprise non moins grave, Schœll fait entrer dans les vers de Volcatius, quoiqu’il n’y soit question que de Luscius, et point du tout d’Afranius[2], faut-il le regarder comme un affranchi ? Et Q. Trabea, que Schœll appelle Trabeas[3] ; et ce Titinius, si souvent mis à contribution par les grammairiens, qui nous en ont conservé une multitude de fragmens malheureusement trop courts ; et ce Verginius Romanus dont Pline le jeune nous trace un portrait flatté sans doute par la prévention et l’amitié, tous ces poètes étaient-ils des affranchis ? Qui l’a dit à M. de Cassagnac ? Il faut qu’il ait sur ces hommes des mémoires secrets et inconnus aux érudits, ou que ses assertions relèvent de lui seul.

Parlerai-je des mimes ? Les deux auteurs les plus célèbres dans ce genre furent d’une condition si opposée, qu’un pareil rapprochement suffirait seul pour prouver la vanité des distinctions qu’on s’efforce d’établir. Labérius était un noble chevalier qui, après avoir fait les délices du peuple romain, se vit remplacé dans sa faveur par Publius Syrus, un esclave affranchi, et s’en consola par ce mot d’une résignation philosophique, Laus est publica, mot qui pourrait servir de devise à la littérature, car d’elle aussi on peut dire qu’elle n’appartient en propre à personne.

Voilà donc pour le drame. Mais avant de quitter ce sujet, admirons l’inconséquence de l’auteur, qui interdit l’histoire aux esclaves, sous prétexte qu’il siérait mal à des gens de bas étage de juger les patriciens, tandis qu’il leur laisse la comédie, où le poète pouvait lancer impunément mille allusions dé-

  1. Histoire de la Littérature romaine, tom. I, pag. 138.
  2. Ibid., pag. 139.
  3. Ibid.