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le désirent : pour eux, il donne à des sentimens chrétiens qu’il rajeunit, à des dogmes qu’il exprime, une mélodie qu’on aime. « Voici, dit-il dans la préface de son nouveau recueil, le complément nécessaire de mes deux ouvrages antérieurs, voici quelques pas de plus dans la route où j’ose dire être entré le premier, où plusieurs ont marché depuis et où bien d’autres s’élanceront plus tard… » Et encore : « Un critique illustre a bien voulu déclarer qu’Amour et Foi était le premier mot d’une poésie toute nouvelle, la poésie du dogme pur… » Il y a ici, ce me semble, quelque illusion dans le poète, et il y a eu de la part du critique illustre, qu’on ne nomme pas, quelque complaisance. Quoi ! l’idée de traiter poétiquement les solennités diverses de la religion, de les traduire en hymnes, est de l’invention de l’auteur, et ouvre une ère nouvelle à l’art ? Mais saint Grégoire de Naziance a commencé, il y a long-temps ; Manzoni, hier, le faisait encore. Chez nous, tous les poètes pénitens n’ont point pratiqué autre chose, Desportes, Bertaut, Godeau, Corneille, La Fontaine ; Racine a traduit les hymnes du Bréviaire. M. Turquety, il est vrai, suit cette idée avec un sentiment de composition et d’ensemble systématique : ainsi, son présent volume, qui commence par un hosannah au Père céleste, s’achève par une hymne à son terrestre représentant, le Pape. « Dieu d’abord, dit M. Turquety, puis la plus haute expression de l’humanité dans la personne du Pape. » Plus d’éminens poètes religieux se sont jetés de nos jours dans un christianisme vague, plus M. Turquety s’est voulu ranger au dogme et à la stricte tradition catholique romaine.

Le caractère qui me frappe le plus dans la poésie de M. Turquety, est la mélodie, l’élégance, la douceur rêveuse, et je préfère, entre ses pièces, celles auxquelles ces tons suffisent. On a été fort sévère autrefois dans cette Revue pour son volume de Poésie catholique, et qu’il nous soit permis de dire qu’on a peut-être été injuste : on n’y a pas reconnu ces mérites touchans. Une pièce qu’on aurait pu indiquer était le Deux Novembre ou le Jour des Morts, simple, sobre, voilée, et d’un christianisme attendrissant. Il y en a dans les Hymnes sacrées un certain nombre qui sont comme des feuilles glanées à la suite du Cantique des Cantiques, et qui respirent un parfum d’élégie aussi tendre que des cœurs contrits en peuvent désirer. Le poète nous a traduit l’hymne mystique de saint Jean de la Croix, et il en reproduit l’esprit en mainte page. Je citerai celle-ci, par exemple, qu’il intitule : Domine, non sum dignus :

C’était dans l’épaisseur du bois le plus profond,
Une source coulait et murmurait au fond
Sur un lit de sable ou de pierre ;
Et quand je fus auprès, sans que je visse rien,
Une voix m’appela, disant : « Regarde bien,
C’est la fontaine de ton Père. »

Oh ! je courus alors : j’étais plein de bonheur,
Car j’avais bien souffert de l’ardente chaleur,