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REVUE MUSICALE.

L’Opéra Italien fait cette année encore une glorieuse campagne et soutient vaillamment l’éclat des années précédentes. À l’Odéon comme à Favart, c’est toujours le même empressement, le même succès, le même enthousiasme de bon goût ; il ne fallait rien moins que les voix toutes puissantes de Rubini, de Lablache, de la Grisi et de la Persiani, pour dompter la mauvaise fortune attachée aux murailles de cette salle abandonnée. Ce que Mozart et Rossini n’avaient pu faire à eux seuls et livrés à leur simple force mélodieuse, les grands chanteurs l’ont accompli. Désormais le charme est rompu, pour cette année du moins ; car si cette funeste influence du quartier qui a déjà ruiné tant d’administrations diverses doit aussi se faire sentir à celle-ci, ce ne sera guère que l’hiver prochain, et encore à certains jours de représentations extraordinaires, où la location est laissée aux chances du spectacle. Pour le public des loges et des stalles, le vrai public enfin du Théâtre-Italien et du dilettantisme, il se trouve là tout aussi bien qu’à Favart, mieux peut-être ; car il faut avouer que cette salle du faubourg Saint-Germain convient à ravir à ce public d’élite ; il y est à son aise, il y est chez lui, zu hause, comme on dit en Allemagne ; pour s’en convaincre, il suffit de promener sa vue sur cet hémicycle merveilleux que forme le premier rang des loges par une belle soirée de Don Giovanni ou des Puritains.

Le répertoire, si complet et si beau, s’est encore enrichi cette année de partitions nouvelles, et surtout d’un chef-d’œuvre de Rossini qu’on avait eu le tort de laisser trop long-temps hors de la scène. Entre tous les opéras du grand maître, la Donna del Lago est, avec Tancredi, celui qui se recommande par les plus fraîches, les plus aimables et les plus mélodieuses inspirations. Certes on ne trouve dans cette musique ni le sentiment épique, ni la force de composition qui se révèlent dans la Semiramide et Guillaume Tell ; mais, en revanche, quelle abondance ! quelle fantaisie ! comme les idées coulent de source ! En Italie, il y a toujours dans le bagage des musiciens de génie quel-