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REVUE. — CHRONIQUE.

teurs d’Aix, M. Thiers revient à chaque moment sur les mesures de rigueur accumulées, dit-il, au-delà du terme de l’utilité. Il s’ensuit que M. Guizot veut quelque chose de plus que les lois de septembre, et qu’il veut encore toutes les lois retirées au 15 avril, tandis que M. Thiers semble demander l’abrogation des lois de septembre et peut-être quelque chose de plus. Nous ne disons pas que M. Guizot est sous l’influence de M. Berryer, sa propre influence suffit pour motiver ces vœux ; mais assurément M. Thiers est, à cette heure, sous l’influence de M. Odilon Barrot, et dans tous les cas il est permis de demander à M. Guizot et à M. Thiers quel singulier nœud les unit, et ce qu’ils font ensemble !

C’est sur le vote des chambres que M. Thiers appuie le blâme dont il frappe le gouvernement ! Nous ne savions pas, en vérité, que la majorité de la chambre des pairs se fût réunie à l’éloquence de M. Cousin et de M. Villemain. Pour la chambre des députés, elle a simplement changé, d’un bout à l’autre, le projet d’adresse rédigé par M. Thiers et les autres membres de la majorité de la commission. Elle a approuvé tout ce que M. Thiers et ses amis avaient blâmé, et elle a soutenu, par un acte inoui jusqu’à ce jour, le ministère qu’ils voulaient renverser. Il n’est pas d’exemple, en effet, d’une adresse si différente du projet primitif, depuis l’établissement du gouvernement représentatif en France. C’est qu’aussi il n’est pas d’exemple d’une commission aussi violente et aussi exagérée que celle dont la chambre a fait justice. Mais il paraît que les sentences de la chambre sont comme non avenues pour les membres de la coalition. M. Thiers avance que c’est le ministère que la chambre a prétendu blâmer en renversant le projet d’adresse, et que c’est pour punir la majorité, qui a voté pour lui, que le gouvernement a prononcé la dissolution ! À la bonne heure, après un tel raisonnement, il est tout naturel de comparer le ministère au gouvernement de Charles X, qui méconnaissait le vote de la majorité, et M. Thiers ne manque pas de le faire. Toutes les circonstances se trouvent conformes à ses yeux. Le gouvernement qui ne veut pas la guerre avec l’Europe, c’est le gouvernement de Charles X, qui ne voulait pas souffrir la contradiction ; le cabinet qui entend respecter les traités, et qui se refuse à déchirer avec la pointe de la baïonnette les engagemens qu’il a signés, c’est le cabinet de M. de Polignac, qui voulait déchirer la charte ; aussi la monarchie de juillet est à la veille de tomber dans l’abîme où M. Thiers a précipité la restauration ! Les projets, les menaces du pouvoir sont les mêmes, et il faut lui répondre comme on le fit alors ! M. Thiers, M. Duvergier de Hauranne et ses amis ont attaqué personnellement le roi dans leurs pamphlets ; ils ont déclaré qu’ils avaient formé une coalition pour faire cesser son intervention dans les affaires. C’était leur droit. Mais ceux qui leur répondent attentent au droit de ces messieurs ! « Le gouvernement représentatif, dit M. Thiers, est celui où les citoyens ont toute liberté de soutenir ce qu’ils croient vrai, même quand ils se trompent. Si, tandis que je discute de bonne foi les actes du gouvernement, on dérobe les