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Avant d’entrer à ce sujet dans les développemens nécessaires pour la complète intelligence de cette grande question, permettez-moi de vous dire quelques mots sur la manière dont elle a été traitée dans la discussion récente de l’adresse et particulièrement à la chambre des députés. Il me semble donc que l’opposition n’y a jamais tenu assez compte du véritable état des choses. Ai-je besoin d’ajouter que jamais non plus elle n’a rendu justice à la valeur et aux résultats des efforts du cabinet français en faveur de la Belgique ? L’opposition a pris entièrement le change sur le caractère du traité des 24 articles, quand elle a soutenu que sa non-acceptation par le roi des Pays-Bas l’avait annulé. Cela serait peut-être vrai, si le traité avait été conclu entre la Belgique et la Hollande ; mais c’était un traité entre la Belgique et les cinq puissances signataires de l’acte du congrès de Vienne qui avait constitué le royaume des Pays-Bas, et il devait subsister quand même entre les parties contractantes, pourvu qu’il fût exécuté par elles, ce qui a eu lieu. Le laps de temps écoulé sans que la Hollande y adhérât ne changeait rien à sa validité par rapport aux obligations des cinq puissances vis-à-vis de la Belgique, et aux obligations de la Belgique vis-à-vis des cinq puissances. N’eût-il pas reçu de confirmation ultérieure, les engagemens réciproques qu’il contenait n’en auraient pas moins conservé toute leur force ; mais cette confirmation, qui n’était pas nécessaire, résulte des négociations de 1833, parfaitement connues aujourd’hui par suite de la publication de leur procès-verbal officiel dans le Moniteur belge. M. Molé l’avait dit à la tribune, et c’était, comme l’a dit M. le duc de Broglie, un fait connu de tous les esprits sérieux et dans tous les salons bien informés ; aujourd’hui, tout le monde est mis à même d’en juger : il reste acquis au débat qu’en 1833, après trois années d’existence commune avec la totalité du Limbourg et du Luxembourg, moins la forteresse fédérale, la Belgique a renouvelé son adhésion aux dispositions territoriales du traité de 1831, qui donnaient à la Hollande la moitié de l’un et la moitié de l’autre. Voilà un premier fait dont l’opposition a méconnu l’importance, et qu’il était indispensable de remettre dans tout son jour. Je dis encore qu’elle n’a pas été juste envers le gouvernement, quand elle a traité de si haut et avec tant de mépris le résultat de ses bienveillans efforts en faveur de la Belgique. Croyez bien qu’en Belgique on n’est pas si dédaigneux que l’opposition française pour les modifications obtenues dans les clauses financières, pour l’entière libération des arrérages, pour une réduction de près de sept millions de francs (3,400,000 florins) sur le chiffre annuel de la dette, pour les garanties nouvelles qui ont été stipulées relativement à la navigation de l’Escaut, garanties essentielles au commerce d’Anvers, c’est-à-dire à la prospérité même de la Belgique. Qu’on lise le rapport fait aux chambres belges sur les dernières négociations par le ministre des affaires étrangères, M. de Theux, et on verra combien l’appui de la France a été utile et nécessaire à la Belgique dans le cours de ces négociations, pour défendre ses intérêts contre l’impatience que plusieurs autres gouvernemens témoignaient d’en finir, et contre