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REVUE. — CHRONIQUE.

l’espèce d’étonnement chagrin avec lequel ils voyaient surgir à chaque pas de nouvelles questions dans l’examen des clauses secondaires du traité des 24 articles. Ce qui ne ressort pas moins évidemment de l’exposé de M. de Theux, c’est que, sur le fond même de la question, le gouvernement français n’a pas eu cette politique hésitante, cette politique d’ajournement, qu’on a voulu lui attribuer. Le ministre belge y reconnaît que les communications confidentielles et autres, faites par la France, ne permettaient pas d’espérer une modification des arrangemens territoriaux ; que la France et la Grande-Bretagne ne cessaient de le répéter aux envoyés de la Belgique. « Une demande officielle du cabinet britannique, dit M. de Theux, qui eut lieu avant la réunion de la conférence, suffirait à elle seule pour établir qu’il y avait, même chez les gouvernemens les plus favorables à notre cause, un invariable parti pris en ce qui touchait la question territoriale. » En présence de pareilles dispositions, que fait la Belgique ? Elle se renferme dans ce qui était raisonnable, possible et juste ; elle consacre tous ses soins à démontrer les erreurs matérielles des calculs qui avaient servi de base au partage de la dette ; elle envoie à Londres des commissaires spéciaux pour traiter la question financière, et fournir à la conférence toutes les preuves à l’appui de ses prétentions. Elle reprend aussi l’article 9 du traité du 15 novembre, pour montrer qu’il ne suffit pas à la sûreté de son commerce et de sa navigation, qu’il lui laisse des craintes fondées sur l’avenir, et qu’il la met encore trop à la merci de la Hollande, malgré les précautions prises contre ce danger. Mais de la question territoriale, pas un mot à Londres, je veux dire pas un mot sérieux, pas un mot de gouvernement qui se prépare à la résistance et qui aurait pris la résolution de ne pas céder. On semble, au contraire, regarder avec l’Europe cette question comme jugée définitivement ; et si l’on en témoigne des regrets, c’est dans un langage qui annonce bien plus la résignation à son sort que la volonté d’y échapper. Le gouvernement belge avait senti de bonne heure qu’il pouvait être fort dangereux pour lui de remettre en doute les engagemens déjà contractés. Je lis dans le rapport de M. de Theux :

« En ce qui concerne la validité des précédens, nous ne pouvions sans manquer de prudence, qu’il me soit permis d’insister sur cette remarque, dépasser une certaine limite. Aller plus loin, déclarer formellement anéantis de droit et de fait tous les actes antérieurs, eût été se priver de toute chance favorable de négociation. Déjà plusieurs fois on nous avait objecté : « Si nul engagement ne subsiste, vous rétrogradez au premier jour de votre révolution ; tout lien entre les puissances et vous est désormais brisé. Vous n’en êtes pas moins en présence de la diète germanique appuyée sur les traités de 1815, et de plus, vous vous retrouvez abandonnés à toutes les chances de l’avenir, sous le coup des articles constitutifs de 1814, et en face de la conférence ramenée à cette position d’arbitre que vous lui déniez aujourd’hui. »