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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/590

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risconsultes allemands en ont maintenu l’authenticité, et le publiciste Pfeffel nous paraît résumer avec impartialité ces débats, quand il dit : « Si l’on considère que Luitprand, évêque de Crémone, qui a porté la parole au nom de l’empereur dans le concile de Rome, raconte dans son histoire exactement les mêmes choses qu’on trouve dans le décret ; que les fameux canonistes Ives de Chartres et Waltram de Naumbourg l’ont cité et reconnu pour véritable dès le XIe siècle ; que le moine Gratien l’a inséré par extrait dans son Decretum ; que les souverains pontifes qui ont corrigé cette compilation, n’ont jamais songé à l’en effacer, et qu’enfin il n’attribue point de droits à Othon Ier que les anciens empereurs romains, les exarques et les empereurs carlovingiens, n’eussent exercés, et que l’histoire de ses successeurs ne justifie ; il n’est guère possible de ne pas se déclarer pour la vérité de cette célèbre constitution. » Rome était prise au piége : cet empire d’Occident, qu’elle avait provoqué, l’opprimait, et ses espérances de domination théocratique étaient impitoyablement étouffées par l’orgueil allemand. Après la mort de Léon VIII, les commissaires de l’empereur firent élire Jean XIII ; pour le maintenir contre les révoltes des Romains, Othon fut obligé de repasser les Alpes ; pendant son séjour à Rome, douze des principaux citoyens furent pendus, et le préfet de la ville fustigé sur un âne. L’empereur de Constantinople affecta de se plaindre à Luitprand de ces violences, et l’ambassadeur d’Othon lui répondit qu’il avait tort de trouver mauvais que le roi des Allemands tranchât du maître en Italie, puisque tous ses prédécesseurs à lui, Nicéphore Phocas, s’étaient endormis sur leur trône, puisqu’ils avaient porté le titre d’empereur romain sans en remplir les devoirs et sans en montrer la puissance. Othon Ier fut au Xe siècle l’homme de l’Europe. Nous le trouvons en relation avec le calife de Cordoue, Abdel-Rahman, allié de l’empereur grec par le mariage de son fils avec la princesse Théophanie, libérateur et roi de l’Allemagne, maître de l’Italie, empereur d’Occident, fort au centre de ses états comme aux extrémités, fondant en Allemagne la puissance ecclésiastique, qui était un instrument de civilisation, et l’abaissant en Italie par ces instincts d’empereur qui ne sauraient supporter la domination d’un prêtre.

Le Xe siècle fut peu favorable à l’esprit de la théocratie italienne ; le christianisme s’étendait dans le nord de l’Europe, se fortifiait en Allemagne et en France ; mais le pouvoir papal, qui s’était flatté d’être, avec l’empire d’Occident, la seconde tête de l’Europe, languissait sans autorité. La mort d’Othon-le-Grand ne lui fut pas une oc-