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tion. On lui répondit par une acclamation unanime. Ainsi il commençait à établir que l’empereur n’avait pas un pouvoir absolu sur l’élection du pontife, et c’était le plus simple et le plus doux des hommes, natura simplex atque mitissimus, qui se permettait contre l’empire cette protestation hardie ; mais il s’appuyait sur un bras puissant : il avait Hildebrand à son côté, et pour être certain de le garder, il nomma le prieur de Cluny cardinal sous-diacre de l’église romaine et administrateur du couvent de Saint-Paul.

Hildebrand est aux affaires, il les anime, il les dirige. À la mort de Léon IX, le peuple et le clergé le chargent d’aller trouver l’empereur pour obtenir de lui l’autorisation de désigner le pape : Hildebrand propose à Henri III, Gebhard, évêque d’Eichstadt, qui fut agréé, et qui, sous le nom de Victor II, se fit de nouveau élire et confirmer par le peuple et le clergé romain. Ainsi une seconde fois la nomination impériale était subordonnée à l’élection romaine. Une occasion se présenta bientôt de relever la papauté. Ferdinand-le-Grand, roi de Castille et de Léon, fils de Sanche-le-Grand, avait refusé l’hommage qu’il devait à Henri, et avait même usurpé le titre d’empereur. Henri demanda à un synode rassemblé à Toul et présidé par Hildebrand, alors légat en France, que l’église excommuniât le roi de Castille, et mît son royaume en interdit, s’il ne renonçait pas à un titre usurpé. Cette prière fut avidement accueillie : le concile se hâta d’adresser à Ferdinand des sommations sévères qui furent écoutées. Il était donc reconnu que le pape avait le droit de prononcer sur la légitimité des empereurs. La mort d’Henri III laissait le trône des Allemands à un enfant de cinq ans, et la mort de Victor II, suivie de celle d’Étienne IX, avait fait tomber la tiare sur la tête d’un évêque de Velletri, nommé Mincius, qui l’avait achetée à prix d’argent, et qui d’ailleurs était incapable de gouverner l’église. Hildebrand et ses amis tinrent une assemblée en Toscane où ils déposèrent ce nouveau pape, qui avait pris le nom de Benoît X et où ils élurent Gérard de Florence, qui s’appela Nicolas II. En même temps, ils conjurèrent par une ambassade l’impératrice Agnès, tutrice d’Henri IV, et les seigneurs allemands de faire tomber leur choix sur le même Gérard qu’ils avaient déjà promu ; la cour germanique y consentit, et le nouveau pape Nicolas II eut pour lui tant l’élection d’un synode que l’élection royale. On ne pouvait surmonter avec plus de bonheur les difficultés que présentait la double anarchie des affaires allemandes et romaines.

C’était bien quelque chose qu’à trois fois l’église elle-même fût