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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/597

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LA PAPAUTÉ AU MOYEN-ÂGE.

intervenue directement dans la nomination du souverain pontife ; mais rien n’était réglé pour l’avenir, et à la mort de ses papes, vieillards dont le règne était souvent si court, Rome était ou déchirée par ses factions intestines, ou asservie par le roi des Allemands. Pour obvier à ces maux, Hildebrand osa une innovation capitale. Par ses conseils, un concile fut convoqué à Latran, au mois d’avril de l’an 1059 ; cent treize évêques y siégèrent. Ce concile régla qu’à l’avenir, quand le pape serait mort, les évêques-cardinaux, avant tous, délibéreraient sur l’élection, qu’ils y appelleraient ensuite les clercs-cardinaux, et qu’enfin le reste du clergé et le peuple seraient appelés à donner leur consentement, sauf, ajoute le décret du concile, l’honneur dû à notre cher fils Henri (c’est Nicolas II qui parle), maintenant roi, et plus tard empereur, et on rendra le même honneur à ses successeurs, à qui le saint-siége aura personnellement accordé le même droit. Ainsi l’église se relevait fièrement contre l’empire ; elle sortait de l’humiliation où l’avait réduite le fameux décret du Xe siècle, entre Léon VIII et Othon Ier ; elle reprenait sa liberté d’élection ; en même temps elle la fixait dans les régions élevées, et, la dérobant aux caprices du peuple, elle assurait à la fois son indépendance et sa grandeur. À la même époque, Robert Guiscard se déclarait vassal du saint-siége, et reconnaissait posséder la Pouille, la Calabre, la Sicile à titre de fiefs ecclésiastiques. Les papes acquéraient ainsi dans les Normands de vigoureux défenseurs, et continuaient la politique qui avait demandé protection et vengeance aux Francs austrasiens.

Quand mourut Nicolas II, qui ne régna que deux ans et demi, plusieurs se demandèrent pourquoi Hildebrand ne serait pas pape, et pourquoi celui qui était l’ame de Rome n’en serait pas la tête aux yeux du monde. Mais Hildebrand ne voulait pas encore s’asseoir sur le trône papal ; il y gravitait sans se hâter : il pensait qu’il serait encore plus utile à côté que dessus, plus fort, plus obéi. Les grandes ambitions sont douées d’une patience inaltérable. Elles ne connaissent pas les vanités frivoles et les empressemens puérils. La sublimité de leur convoitise les élève à l’héroïsme du dévouement, et le but suprême peut seul les émouvoir comme les remplir. Hildebrand était plus occupé des périls que courait la papauté que de sa propre fortune. L’église romaine aurait-elle le courage et la force de faire exécuter le décret de Latran ? Les cardinaux se hâtèrent de s’assembler et d’élire Anselme, évêque de Lucques, auquel on donna le nom d’Alexandre II. Mais plusieurs seigneurs italiens, que Nicolas II avait