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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/601

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LA PAPAUTÉ AU MOYEN-ÂGE.

goire de s’asseoir sans conteste sur le trône pontifical, et s’il est vrai que le lendemain du jour où l’enthousiasme des Romains l’avait salué pape, il écrivit une lettre à Henri IV dans laquelle il le conjurait de ne pas ratifier son élection, cette dissimulation lui avait paru nécessaire pour endormir les soupçons du roi et des évêques allemands.

Dès qu’il fut pape reconnu par l’Allemagne, il se mit à promener sur l’Europe des regards assurés, et il commença d’entrer en rapport avec elle par l’envoi de nombreux légats qui devaient apparaître en maîtres parmi les différens peuples, comme les proconsuls de Rome républicaine. En Espagne, il envoya le cardinal Hugues-le-Blanc, qui déclara à la noblesse que la Péninsule était un antique patrimoine de saint Pierre, et qui donna au comte de Roucy, seigneur français, tout ce qu’il pourrait conquérir sur les infidèles. Il écrivit en Allemagne pour annoncer que des légats viendraient bientôt de sa part se concerter avec Henri IV sur les intérêts communs de l’église et de la royauté. Comme le corps humain, disait-il dans une de ses lettres, reçoit la lumière au moyen de deux yeux, de même le corps de l’église doit être gouverné et éclairé au moyen de deux pouvoirs, le sacerdoce et l’empire. Henri répondit à Grégoire qu’il sentait la nécessité de l’union de ces deux grandes puissances. Il confessa ses péchés et promit de faire tout ce que demanderait le pape. Cette soumission pénétra de joie Grégoire VII, qui n’en pouvait encore connaître les motifs. La docilité d’Henri IV provenait du mauvais état de ses affaires ; la Saxe et la Thuringe étaient en pleine révolte. Les seigneurs saxons ne pouvaient pardonner au roi de leur préférer les Souabes : le roi n’avait pas paru à une assemblée générale qu’il avait convoquée lui-même à Goslar, et ils lui avaient envoyé trois de leurs principaux chefs pour lui demander de démolir les forts élevés sur leur territoire, d’accorder une égale attention à toutes les parties de son royaume, de renoncer à ses flatteurs et à ses plaisirs. Henri se contenta de répondre qu’il avait été toujours juste envers tous et qu’il n’avait jamais manqué aux devoirs de la royauté. Cette dédaigneuse réponse provoqua une insurrection générale qu’Henri ne crut pouvoir combattre qu’avec le secours des Luticiens, et avec l’alliance de la Bohême et du Danemark. Rassemblés à Gerstungen, les Saxons convinrent secrètement de nommer un autre empereur, de couronner Rodolphe de Souabe, et de détrôner Henri IV, quand il viendrait à Cologne passer les fêtes de Noël.

Cependant Grégoire VII continuait à se mêler des affaires de l’Europe ; il arrêtait les empiétemens de Jaromir, frère de Wratislas, duc