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l’évêque Guillaume, qui lui était tout-à-fait dévoué, osa, le jour de Pâques, en pleine chaire, injurier le pape, et se moquer de l’anathème lancé contre le roi ; mais il mourut subitement dans d’atroces douleurs, en s’écriant qu’il était damné. Le peuple fut rempli d’épouvante. D’autres partisans de l’empereur périrent aussi par des accidens imprévus, et plusieurs de ceux qui survécurent chancelèrent dans leur fidélité. La crainte qu’inspirait le courroux de Grégoire VII était si grande, que ceux qui tenaient prisonniers les princes saxons les mirent en liberté, sans l’autorisation du roi, et ces princes délivrés, relevant l’ancienne ligue, se remirent à l’œuvre pour reconquérir les libertés saxonnes. Tout conspirait contre Henri. Rodolphe de Souabe et Berthold de Carinthie l’abandonnèrent, Les Saxons écrivirent au pape pour lui demander s’ils pouvaient élire un autre roi, et la réponse fut affirmative. À Tribur, les princes et les grands d’Allemagne délibérèrent pendant sept jours, et rappelèrent tous les griefs qu’ils avaient contre le roi. Le Rhin séparait Henri des confédérés, et le malheureux monarque leur envoyait messages sur messages, prodiguant les prières, les promesses, offrant pour l’avenir toutes les satisfactions désirables. Enfin il obtint, après de nombreux refus, qu’une diète générale serait convoquée à Augsbourg, dans laquelle on supplierait le pape de vouloir bien se rendre ; on devait y terminer tous les différends, y régler toutes les affaires. Il était aussi stipulé que, si, dans l’espace d’un an, Henri n’était pas parvenu à se faire absoudre de l’excommunication, il serait déchu du trône. Ces conditions étaient dures, et cependant le roi dut s’estimer heureux d’y souscrire. Il se rendit à Spire, où il resta quelque temps dans un complet isolement, pour mieux se conformer au traité. De leur côté, les princes envoyèrent à Rome des ambassadeurs, pour prier le pape de se rendre à Augsbourg. Grégoire répondit sans hésiter que, malgré les rigueurs de l’hiver, il se trouverait au milieu d’eux, en Allemagne, le 2 février 1077. Pouvait-il hésiter à venir confirmer par sa présence le rôle qu’il ambitionnait, d’arbitre souverain entre les peuples et les rois ?

Les mêmes motifs qui faisaient arriver Grégoire en Allemagne, engagèrent Henri à le prévenir. L’humiliation sembla moins grande au roi d’aller trouver le pape que de comparaître devant lui à Augsbourg, au milieu de sujets victorieux et révoltés. Quelques jours avant Noël de l’an 1076, il quitta Spire avec sa femme Berthe, son jeune enfant et un seul domestique. Il traversa la Bourgogne, passa par Besançon longea le Jura jusqu’au lac de Genève, acheta le pas-