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EXPÉDITION AU SPITZBERG.

lait. Une jeune fille était assise dans une pauvre chambre, toute seule devant un berceau. À côté d’elle était un rouet qu’elle venait de quitter pour prendre soin de l’enfant qui avait pleuré en s’éveillant. Son regard était si doux et si timide, sa figure si belle et si chaste, qu’on l’eût prise elle-même pour une jeune sœur de cet enfant qu’elle berçait dans ses bras avec un sentiment de tendresse et de pudeur inexprimable. Notre guide nous dit qu’elle avait été séduite par un ouvrier, que cet enfant était le sien, et qu’elle restait là seule et résignée, travaillant sans cesse pour subvenir à sa subsistance. Nous lui demandâmes si celui qu’elle aimait encore ne viendrait pas un jour la chercher pour l’épouser. — Oh ! oui, dit-elle en baissant la tête, il viendra. — Et en même temps elle embrassait son enfant, comme pour puiser dans ce baiser un nouvel espoir. Sterne, en la voyant, eût ajouté un chapitre à celui de Marie, et Wordsworth aurait dit : Pauvre Ruth ! Poor Ruth !

Notre excursion sur cette côte du golfe d’Alten se termina par une visite à la maison du fogde. Elle est bâtie dans une situation riante et pittoresque, entre deux forêts de pins, au bord de la mer. Le fogde est, après l’amtmand, la première autorité de la province. Il n’y en a qu’un dans le West-Finmark, et il remplit en même temps les fonctions de sorenskriver. En sa qualité de fogde, il perçoit les impôts ; il est chargé des travaux de recensement, d’arpentage et d’administration. C’est un sous-préfet et en même temps un receveur des contributions. En sa qualité de sorenskriver, il est tout à la fois juge, notaire, commissaire-priseur et receveur d’enregistrement. Son traitement fixe n’est pas considérable, mais il perçoit pour chacun de ses actes un droit proportionnel, déterminé par une ordonnance, et on lui accorde en outre une indemnité pour tous les voyages qu’il doit entreprendre, soit pour affaires du gouvernement, soit pour affaires particulières. Il se rend trois fois par an dans chaque province, pour présider au thing, c’est-à-dire pour percevoir les impôts et juger les différends. Il a là, sous ses ordres, un homme qui porte le titre de lœnsmand, qui est payé aussi pour chacun de ses actes, selon une taxe générale. C’est l’officier de la police, c’est le bourgmestre de la paroisse, l’expéditionnaire du juge et l’huissier du percepteur. Pendant la durée du thing, c’est-à-dire pendant une session de sept à huit jours, il est constamment attaché à la personne du fogde. Le reste du temps, si l’on signale un délit dans la paroisse, c’est à lui que l’on s’adresse pour faire arrêter le coupable, et c’est lui qui porte la sentence de contrainte au contribuable en retard.


VII.
LAPONIE.

Les deux saisons les plus favorables pour voyager en Laponie sont l’hiver et l’été, l’hiver avec le léger traîneau, le pulke, conduit par un renne, l’été