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Quoi qu’en voulût dire le prince Colonna, cette démarche d’Hélène n’était point mal avisée. Si elle fût venue trois jours plus tôt à la Petrella, elle y eût trouvé Jules Branciforte ; sa blessure au genou le mettait hors d’état de marcher, et le prince le faisait transporter au gros bourg d’Avezzano, dans le royaume de Naples. À la première nouvelle du terrible arrêt acheté contre Branciforte par le seigneur de Campireali, et qui le déclarait sacrilége et violateur de couvent, le prince avait vu que, dans le cas où il s’agirait de protéger Branciforte, il ne pouvait plus compter sur les trois quarts de ses hommes. Ceci était un péché contre la Madone à la protection de laquelle chacun de ces brigands croyait avoir des droits particuliers. S’il se fût trouvé un barigel à Rome assez osé pour venir arrêter Jules Branciforte au milieu de la forêt de la Faggiola, il aurait pu réussir.

En arrivant à Avezzano, Jules s’appelait Fontana, et les gens qui le transportaient furent discrets. À leur retour à la Petrella, ils annoncèrent avec douleur que Jules était mort en route, et de ce moment chacun des soldats du prince sut qu’il y avait un coup de poignard dans le cœur pour qui prononcerait ce nom fatal.

Ce fut donc en vain qu’Hélène, de retour dans Albano, écrivit lettres sur lettres, et dépensa, pour les faire porter à Branciforte, tous les sequins qu’elle avait. Les deux moines âgés, qui étaient devenus ses amis, car l’extrême beauté, dit le chroniqueur de Florence, ne laisse pas d’avoir quelque empire, même sur les cœurs endurcis par ce que l’égoïsme et l’hypocrisie ont de plus bas ; les deux moines, disons-nous, avertirent la pauvre jeune fille que c’était en vain qu’elle cherchait à faire parvenir un mot à Branciforte : Colonna avait déclaré qu’il était mort, et certes Jules ne reparaîtrait au monde que quand le prince le voudrait. La nourrice d’Hélène lui annonça en pleurant que sa mère venait enfin de découvrir sa retraite, et que les ordres les plus sévères étaient donnés pour qu’elle fût transportée de vive force au palais Campireali, dans Albano. Hélène comprit qu’une fois dans ce palais sa prison pouvait être d’une sévérité sans bornes, et que l’on parviendrait à lui interdire absolument toutes communications avec le dehors, tandis qu’au couvent de Castro elle aurait, pour recevoir et envoyer des lettres, les mêmes facilités que toutes les religieuses. D’ailleurs, et ce fut ce qui la détermina, c’était dans le jardin de ce couvent que Jules avait répandu son sang pour elle : elle pourrait revoir ce fauteuil de bois de la tourière, où il s’était placé un moment pour regarder sa blessure au genou ; c’était là qu’il avait donné à Marietta ce bouquet taché de sang qui ne la quittait plus. Elle revint