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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/66

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REVUE DES DEUX MONDES.

tombai pas. Mais en cet instant j’entendis derrière moi comme le bruit d’un vêtement qui froissait la mousse et les broussailles. Je me retournai sans voir personne, et repris ma course. Mais par trois fois des pas se firent entendre derrière les miens, et, à la troisième fois, une main froide comme la glace se posa sur ma tête brûlante. Je reconnus alors l’Esprit, et, saisi de crainte, je m’arrêtai en disant : — Manifeste ta volonté, et je suis à toi. Mais que ce soit la volonté paternelle d’un ami, et non la fantaisie d’un spectre capricieux ; car je puis échapper à tout et à toi-même par la mort, — Je ne reçus point de réponse, et je cessai de sentir la main qui m’avait arrêté ; mais, en cherchant des yeux, je vis devant moi, à quelque distance, l’abbé Spiridion dans son ancien costume, tel qu’il m’était apparu au lit de mort de Fulgence. Il marchait rapidement sur la mer, en suivant la longue traînée de feu que le soleil y projette. Quand il eut atteint l’horizon, il se retourna, et me parut étincelant comme un astre ; d’une main il me montrait le ciel, de l’autre le chemin du monastère. Puis, tout à coup, il disparut, et je repris ma route, transporté de joie, rempli d’enthousiasme. Que m’importait d’être fou ? j’avais eu une vision sublime.


GEORGE SAND.
(La fin à un prochain numéro.)