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variété des études, la nouveauté des recherches et la pureté de la diction. Aussi le Docteur s’adresse-t-il à la vieille Angleterre, dont il préconise les mœurs et dont il adopte le style. À peine radicaux et whigs se sont-ils occupés de ces quatre volumes, tandis que les Revues du parti conservateur, le Blackwood et le Quarterly, lui ont consacré des pages nombreuses et l’ont jugé digne de la plus sérieuse analyse.

Dans le Docteur, comme dans les œuvres de M. Bulwer, un désir d’universalité dans la pensée, un secret retour vers la synthèse, se font sentir, et les élèvent bien au-dessus de ces productions d’une analyse mesquine où l’on dépense inutilement tant d’esprit et de coloris. Bulwer, Hartley Coleridge, Walter Scott et Southey, portent un vaste regard sur le monde ; ils essaient d’en saisir l’immense variété, ne procédant point par exclusion, mais cherchant à découvrir de tous côtés des points de vue nouveaux et à n’oublier rien de ce qui intéresse l’homme. Le même Hartley, auteur de jolies ballades, a écrit la vie des personnages célèbres ou distingués, nés dans le Lancashire et l’Yorkshire. Ce livre est empreint d’un sentiment historique très peu commun dans la Grande-Bretagne, qui cependant a publié dernièrement beaucoup de livres d’histoire, de mémoires et de biographies. Fécondité stérile ! Nul biographe n’a égalé, pour la fermeté pittoresque du style, l’auteur des Worthies of Lancashire and Yorkshire, livre naïf et dramatique. Une bonne biographie est une médaille d’or difficile à créer, difficile à frapper, qui conserve à jamais une empreinte héroïque, et dont les modèles sont rares. On entasse des dates, on recueille des généalogies, on accumule des documens, on imprime des correspondances, et l’on crée ainsi des volumes qui s’appellent mémoires sur Bolingbroke, sur Pitt, sur Chatam, sur Goldsmith, sur Burke, sur Samuel Johnson : la multitude de ces compilations et leur nullité réelle ne leur enlèvent pas un certain mérite, celui de l’utilité ; matériaux sans choix que des ouvriers doués de peu d’intelligence et quelquefois de soin ont gauchement rassemblés. La vie de Sheridan et celle de Fitzgerald, par Thomas Moore, n’ont pas même touché le but que l’écrivain voulait atteindre, et manquent de la gravité, de l’impartialité, de la fermeté qui conviennent au genre. On doit excepter de cette condamnation les recherches littéraires de Payne Collier sur le théâtre anglais et sur la jeunesse de Shakspeare, les travaux de Gifford sur Ben-Johnson, et ceux de lord Holland sur Lope de Vega, qui remontent, ainsi que les charmans mélanges de D’Israëli l’aîné, à une époque anté-