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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/686

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pythonisse des anciens jours, par fragmens et par saillies, dans des improvisations brillantes, à peine reflétées dans ses ouvrages. Mackintosh, Wordsworth et Coleridge formaient, avec Dugald-Stewart et Reid, l’honneur de la philosophie britannique. Je cherche vainement leurs successeurs. Carlyle, que j’ai cité plus haut, et qui essaie inutilement d’implanter au milieu des affaires et du commerce anglais les doctrines idéales de Fichte, mérite d’être cité après eux. Une femme, mistriss Somerville, a plus fait pour le progrès de la civilisation intellectuelle que presque tous ses contemporains. Dans sa Connexion of physical sciences, titre difficile à traduire, elle a démontré l’impuissance et les limites étroites de l’analyse seule, morcelant les facultés, éparpillant les observations, brisant les liens naturels qui rattachent entre elles les choses humaines, et établissant, au lieu du vaste ensemble organique dont la nature nous offre le modèle et l’étude, une foule de spécialités isolées. Ainsi l’unité s’efface, la science tombe en débris ; le physicien s’isole du chimiste, le chimiste du médecin, le médecin du naturaliste ; les subdivisions naissent des divisions : l’entomologiste ne connaît que ses insectes, l’électro-chimiste vit dans sa sphère, les mathématiques pures se séparent des mathématiques mixtes. Plus les fragmens se multiplient, plus la destruction avance. Le moyen-âge avait légué à ses successeurs le défaut contraire. On voulait alors tout embrasser et tout comprendre ; on parvenait à tout confondre. Les Vossius et les Scaliger étaient géomètres, Duns Scot était physicien. Depuis l’époque de Bacon, l’isolement des études a remplacé leur universalité ; l’abus de l’analyse a détrôné l’abus de la synthèse. On a défendu à Hobbes d’envahir le domaine des mathématiques, à Goethe de s’égarer dans les champs de la physique expérimentale ; on s’est étonné que Pascal osât résoudre le problème de la cycloïde. L’éternel balancement de la civilisation entre les erreurs opposées devait ramener quelque jour la synthèse et lui assigner la tâche souveraine qui lui appartient, celle de retrouver les points de contact, de renouer les chaînes brisées, de faire revivre les sympathies éteintes, de classer les fragmens épars, de réunir et d’organiser les membres isolés par le scalpel. Ce mouvement nouveau, mouvement réparateur, qui profitera de toutes les conquêtes de l’analyse, s’est annoncé, dans l’étude de la nature, par les travaux admirables de Cuvier ; M. Guizot, M. Thierry, M. Michelet, ont brillamment tenté de le propager dans l’histoire ; il s’annonce en Angleterre par quelques symptômes, et surtout par le succès du livre de Mme Somerville. Il ne nous est pas