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sister la richesse dans l’abondance du numéraire ; par le système de Quesnay et de Turgot, pour qui les seuls travaux profitables sont ceux qui tendent à fertiliser le sol ; enfin par l’école industrielle d’Adam Smith, que Say a généreusement élargie. Après avoir épuisé la série des systèmes qui tendent, par des routes diverses, au même point, l’accroissement de la richesse des nations, on ne peut lire, sans un sentiment bien pénible, les conclusions de l’historien. « La question, dit M. Blanqui[1], en est venue au point qu’on se demande s’il faut s’applaudir ou s’inquiéter des progrès d’une richesse qui traîne à sa suite tant de misères, et qui multiplie les hôpitaux et les prisons autant que les palais. Il ne s’agit plus exclusivement, comme du temps de Smith, d’accélérer la production ; il la faut désormais gouverner et contenir en de sages limites : il n’est plus question de richesse absolue, mais de richesse relative. L’humanité commande qu’on cesse de sacrifier aux progrès de l’opulence publique des masses d’hommes qui n’en profiteront point. Nous ne consentirons plus à donner le nom de richesse qu’à la somme du produit national, équitablement distribué entre tous les producteurs. Telle est l’économie politique française à laquelle nous faisons profession d’appartenir, et celle-là fera le tour du monde. » Voilà donc le dernier mot de l’économie politique : elle avoue son impuissance devant la grande difficulté qui tient sans cesse en éveil le moraliste et l’homme d’état. Jusqu’à ce qu’elle ait fourni une solution satisfaisante, elle méritera à peine le nom de science ; mais, ne fût-elle qu’un instrument d’observation, une méthode d’analyse à l’usage de ceux qui veulent se rendre compte des phénomènes accomplis, elle serait encore digne de la considération qu’on lui accorde, et toujours les personnes qui se livreront à son étude y trouveront profit et plaisir. Le livre de M. Blanqui peut servir à une première initiation : qualités et défauts, il réunit tout ce qu’exige cette classe trop nombreuse de lecteurs qui préfèrent à une sévère exposition des faits la recherche du coloris et la coquetterie du style.

Presque tous les reproches que nous avons faits à M. Blanqui s’adressent à M. Henri Richelot, auteur d’une Esquisse de l’industrie et du commerce de l’antiquité[2]. Même penchant à généraliser les faits, même indécision dans le regard jeté sur le passé. Personne ne met à plus haut prix que nous-mêmes l’élégance du langage ; ce mérite n’est pourtant que secondaire dans un sujet qui tire son intérêt et son utilité de la précision des détails. Tout livre qui a pour but de faire revivre l’antiquité devrait être appuyé d’indications qui missent sur la voie des sources : le comble de l’art serait de faire preuve de chaque fait en l’énonçant, c’est-à-dire par une habile intercallation des textes anciens. Quatre pages pour l’Inde, trois seulement pour la Chine ou l’Arabie ! n’aimerait-on pas autant le silence absolu de M. Blanqui ? Pour les régions mieux connues, dont la réunion a formé le monde romain,

  1. tom. II, pag. 146.
  2. vol. in-8o, chez Firmin Didot.