Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/737

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
733
ÉCONOMIE POLITIQUE.

mens officiels et récens sur les chemins de fer méritent d’être résumés ici, car ils ont pour notre pays un intérêt de circonstance. La dépense présumée de l’exploitation a été évaluée, pour 1838, à 3,420,000 francs ; les recettes présumées de la même année ont été inscrites au budget pour 4,850,000 francs. À ce compte, un bénéfice de 1,430,000 francs eût couvert rigoureusement l’intérêt et l’amortissement de la somme engagée. Suivant ces prévisions, l’état devait doter le public d’un système de communication sans surcharger les contribuables. Mais, d’après le résultat des dix premiers mois, la recette de 1838 a dû être inférieure à l’évaluation d’au moins 25 pour 100. Ainsi, l’opération, comme placement de fonds, laisserait un déficit considérable, quoique les travaux eussent été conduits avec économie, que la configuration du sol n’eût pas exigé les travaux dispendieux qui seront trop souvent nécessaires en France, et qu’il n’y eût encore une double voie que depuis Bruxelles jusqu’à Anvers. On attribue ce mécompte au bas prix des tarifs[1], qui cependant, d’après les probabilités économiques, aurait dû augmenter jusqu’à compensation le nombre des voyageurs. La dépense des travaux exécutés jusqu’ici, sur une longueur de deux cent vingt mille mètres, s’élève environ à 26 millions de francs ; elle doit dépasser 80 millions, quand le système sera complété. « C’est alors, dit M. Briavoine, que se présentera l’alternative de savoir si le tarif des voyageurs peut être maintenu au taux primitif, ou si le service de cette vaste exploitation doit être rendu à l’industrie. » Nous n’entrevoyons pas quel pourrait être l’avantage de ce dernier expédient. Les offres d’une compagnie particulière seraient toujours mesurées au bénéfice possible, et la perte ne retomberait pas moins à la charge du premier entrepreneur, c’est-à-dire de l’état.

Quels que soient les risques financiers de l’établissement des chemins de fer, toutes les nations européennes en doivent prendre leur parti. L’application de la vapeur aux moyens de transport est une révolution commencée dont rien ne saurait détourner le cours. Les conséquences sociales de cette révolution offrent un inépuisable sujet de conjectures. On sait qu’elles ont inspiré à notre Académie des Sciences morales et politiques un programme de concours ainsi formulé : — Quelle peut être, sur l’économie matérielle, sur la vie civile, sur l’état social et la puissance des nations, l’influence des forces motrices et des moyens de transport qui se propagent actuellement dans les deux mondes ? — C’est pour répondre à ces questions que M. Pecqueur a écrit deux gros volumes intitulés : Des Intérêts du Commerce, de l’Industrie et de l’Agriculture, sous l’influence des applications de la vapeur[2]. Ce tra-

  1. Les prix sont, en effet, minimes. De Bruxelles à Anvers, la distance est de 41,000 mètres, environ neuf lieues. Le prix est de 3 fr. 50 c. pour les berlines, de 3 fr. pour les diligences, de 2 fr. pour le char-à-bancs, de 1 fr. 25 c. pour les waggons. Parmi les voyageurs qui ont parcouru cette distance en 1837, on en compte soixante-huit sur cent qui ont pris les waggons, et n’ont payé conséquemment que 1 fr. 25 c. ou 18 c. par lieue.
  2. vol. in-8o, 16 francs, chez Desessart, rue des Beaux-Arts, 15.