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compatriotes des avantages dans les ports et les marchés du Levant. À partir de cette époque jusqu’au milieu du XVIe siècle, les villes belges, par leur splendeur, par leurs rivalités sanglantes, par leurs dissensions intestines, rappellent les opulentes cités italiennes du même temps. En 1360, Louvain occupe, dans trois à quatre mille fabriques de draps, environ cent vingt mille ouvriers. Ypres et Bruges n’ont pas moins de puissance. Mais ces trois villes sont tour à tour écrasées par Gand, qui se glorifie de ses quatre-vingt mille citoyens en état de porter les armes, mais où l’on compte quatorze cents homicides en dix mois dans les seuls lieux de débauche. « Bruges a des priviléges, dit M. Briavoine, elle s’oppose à ce qu’on en accorde de semblables à l’Écluse ; l’Écluse, de son côté, se croit en possession de la mer et veut en refuser l’usage à Bruges : de part et d’autre on court aux armes. Ypres soupçonne Poperinghe de contrefaire ses étoffes : les tisserands de la ville d’Ypres vont détruire Poperinghe. Pour des questions de navigation ou de métier, on voit Malines se soulever contre Bruxelles, Anvers contre Malines, Bruges contre Anvers ! » Néanmoins l’industrie répare, comme par enchantement, tous les maux qu’elle suscite. Une ville saccagée un jour reprend son éclat le lendemain. S’il était permis d’établir un calcul sur les affirmations d’un contemporain, Anvers, au XVIe siècle, aurait reçu annuellement dans son port soixante mille navires, fournissant en total quinze cent mille tonneaux, c’est-à-dire le double des chargemens qui arrivent présentement à Londres. Mais qu’on tourne la page, et on entre, à la suite de l’auteur, dans une période qu’il intitule : Époque de décadence ! Ces tristes et douloureuses transitions, qui sont fréquentes dans l’histoire des peuples spécialement adonnés à l’industrie, sont des leçons qu’on ne saurait trop méditer. M. Briavoine se livre à ce sujet à des considérations judicieuses, que nous ne reproduirons pas ici dans la crainte de les affaiblir, en les séparant des détails qui les confirment. D’ailleurs cette partie de sa tâche n’est pas entièrement remplie. Un second volume, qui doit paraître prochainement, sera consacré à l’examen des institutions commerciales et de la situation présente de la Belgique.

La remarquable narration qui remplit la première partie de ce volume conduit à un exposé méthodique des découvertes ou des applications les plus importantes réalisées depuis cinquante ans. Pour faire la part de son pays, l’auteur est souvent obligé de constater les résultats obtenus en Angleterre et en France, ce qui généralise l’intérêt. La plupart des articles laissent désirer néanmoins des détails plus précis. La production et la vente sont trop rarement évaluées en chiffres. Par exemple, un point sur lequel des renseignemens exacts eussent été fort désirables, est traité par l’auteur avec une discrétion dont plusieurs de ses compatriotes lui sauront gré. « Les exportations en librairie, dit-il, consistent en réimpressions d’ouvrages français et anglais, que les libraires éditeurs livrent au commerce généralement à 50 pour 100 au-dessous des prix de Londres et de Paris, et quelquefois plus bas encore. Ce commerce a été commencé en 1817, et prend d’année en année une activité qui donne lieu à une progression croissante. » Des docu-