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On voit, d’après ce tableau, que l’Autriche est la puissance européenne qui entretient les relations commerciales les plus étendues avec l’Égypte, puisqu’elles s’élèvent presque au quart du commerce total. La Turquie figure aussi pour un chiffre assez important, et elle serait au premier rang, si on y comprenait le chiffre de la Syrie. L’Angleterre et la France ne viennent qu’en troisième et quatrième ligne. La France exporte le double de ce qu’elle importe ; à l’inverse, l’Angleterre importe trois fois plus qu’elle n’exporte. Proportionnellement à la population, c’est la Toscane qui fait le plus grand commerce avec l’Égypte, et qui devrait être placée en tête du tableau. Si l’on prenait l’intérêt commercial pour mesure de l’influence politique, il faudrait conclure que l’Autriche est la puissance qui doit exercer la plus grande prépondérance en Égypte. Mais, malgré leur infériorité commerciale, on n’ignore pas que c’est la France et l’Angleterre qui ont le plus d’influence sur les destinées générales de l’Égypte : la France, par les souvenirs glorieux qu’elle y a laissés, l’Angleterre, par son active vigilance sur tout ce qui se rattache à la question du passage dans l’Inde.

Si nous nous plaçons maintenant à un point de vue d’ensemble, nous arrivons à ce résultat général, savoir : que les deux faces du commerce égyptien, considéré dans un double rapport avec la Méditerranée et avec l’Océan, sont aujourd’hui statistiquement réprésentées par les chiffres suivans :

1o  Commerce général de la Méditerranée, 121,875,000  fr.
2o  Commerce du midi et de la mer Rouge, 11,000,000

Le rapprochement de ces deux chiffres montre assez que l’une des faces du commerce de l’Égypte est presque entièrement annihilée. Au lieu d’être le lien commercial de l’Europe et de l’Asie, l’Égypte se borne à échanger ses produits contre ceux de l’Europe et de l’Amérique. L’Égypte ne se rattache plus au mouvement commercial de l’Inde ; elle gravite presque exclusivement dans la sphère de l’Occident. Aussi elle ne vit qu’à moitié ; car la circulation ne s’opère chez elle que d’un côté. L’Égypte ne parviendra à sa plénitude de vie, à son état normal de santé et de richesse, que lorsqu’elle deviendra la route du grand commerce de l’Europe et de l’Inde, soit que les échanges s’opèrent dans son sein, soit que les produits n’y fassent que passer. On ne saurait évaluer à moins de huit à neuf cents millions de francs le commerce annuel de l’Europe et de l’Amérique avec les pays situés au-delà du cap de Bonne-Espérance. Il est évident que le passage permanent d’une si grande quantité de marchandises, de quelque manière qu’on le conçoive, laisserait en Égypte des traces fécondes. Ce rétablissement de la ligne commerciale de l’Inde est dans les vœux et les besoins de toutes les nations occidentales ; on peut dire qu’il n’est retardé que par un reste de méfiance peu fondée, et parce que les principales puissances européennes ne cherchent pas à s’entendre sur cette importante question. L’Égypte souffre de ce défaut d’accord, et elle serait bien loin d’élever des difficultés locales. Quand il s’est agi d’établir une ligne pour les lettres et les passagers, au moyen des paquebots