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LETTRES SUR L’ÉGYPTE.

de la Méditerranée et de la mer Rouge, le gouvernement égyptien n’a fait aucune opposition. Il n’en a fait aucune quand M. Waghorn a voulu organiser un service régulier de voitures entre le Kaire et Suez. Ainsi les difficultés ne viendront pas de l’Égypte, pourvu toutefois qu’on ne prétende point lui imposer une sorte de suzeraineté européenne, et l’absorber ainsi complètement. Nous résumerons cette lettre en trois points principaux : 1o le commerce d’importation et de distribution des produits d’Occident ; 2o les relations avec l’Europe et le bassin de la Méditerranée, pour l’exportation des denrées égyptiennes ; 3o les relations générales avec l’Orient, et la question du transit des marchandises de l’Inde. Dans ces trois ordres de faits, on peut formuler ainsi les améliorations désirables :

1o Il convient de maintenir le commerce des produits de l’Occident en Égypte aux mains des négocians européens, car c’est le principe de la liberté qui s’est implanté en Orient, et qui tend à faire contrepoids à ce qu’il peut y avoir de despotique et de confus dans le monopole industriel des souverains orientaux. Ces divers élémens de liberté commerciale et de concurrence gravitent d’ailleurs vers la même harmonie qu’en Europe, et deviennent beaucoup moins dangereux depuis le rapprochement de l’Europe et de l’Égypte, opéré par les bateaux à vapeur.

2o Puisque le monopole agricole et manufacturier existe en vertu du droit de propriété, le gouvernement doit en profiter pour transporter lui-même, par une simple opération graphique, tous ses produits sur le marché européen, où il les vendra beaucoup plus avantageusement qu’en Égypte. Il peut ainsi se mettre en rapport direct avec le consommateur. Ce qui importe, c’est que, dans cette transaction à distance, le vendeur remplisse fidèlement sa promesse, et ne trompe jamais son acheteur inconnu, ni sur la quantité, ni sur la qualité. Le vendeur a ici le plus grand intérêt à agir avec bonne foi et à inspirer à l’acheteur une confiance constamment justifiée.

3o La première impulsion pour le rétablissement de l’ancienne route du commerce de l’Inde doit partir de l’Europe, et doit être le fruit des combinaisons d’une politique sociale, d’une diplomatie loyale et sincère. Ce bienfait rattachera encore plus étroitement l’Égypte à l’Europe et l’Europe à l’Égypte. De même que, dans le sein d’une nation, les routes sont la voie publique de tous les citoyens ; de même, dans le sein de l’humanité, la grande route de l’Inde sera la voie commune de toutes les nations. On ne saurait trop hâter le moment où la diplomatie européenne s’occupera de cette haute question, et y cherchera la solution des difficultés que l’Orient voit renaître sans cesse. L’épée est inhabile à couper ce nœud gordien où sont liés tous les intérêts de l’Europe ; mais l’harmonie du commerce doit en triompher.


Aug. Colin.