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REVUE LITTÉRAIRE.

crète et généreuse ; elle cache son malheur à sa mère, à la marquise, et attend, pour rappeler son mari, qu’il soit devenu digne de son amour. Ni les taquineries de Mme de Savigny, ni l’affection dévouée de George, ni l’absence de son mari, ni la certitude qu’il est aimé d’Ellénore et qu’il l’aime, ne peuvent la détourner de son courageux projet. Sa conduite est pleine de grandeur et de simplicité. Les derniers momens de Mme Rémond, ses adieux à sa fille et à son gendre, rachètent en partie les détails minutieux dans lesquels Mme Ancelot s’est trop complue en dessinant ce personnage. Mais la dernière scène du roman, celle où les deux époux s’avouent leur amour mutuel, est d’une longueur désespérante, pleine de déclamations, et digne en tout point de figurer dans un mélodrame. La lune et les nuages jouent dans cette scène un rôle beaucoup trop important. La réunion des deux époux ressemble presque à un accident, tant elle est mal préparée ; et l’arrivée inopinée de George Rémond, de Henri de Marcenay et de Mme de Savigny, loin d’encadrer ce mutuel aveu, fait tache dans le tableau. Une coquette et un chevalier d’industrie arrivent toujours mal à propos au milieu d’une scène de tendresse. Quant à la présence de George Rémond, nommé député sans qu’on sache trop pourquoi, probablement en récompense des drames admirables qu’il a donnés au Théâtre-Français, c’est un hors-d’œuvre inexplicable, et rien de plus.

Si, après avoir achevé la lecture de Gabrielle, on se demande quel est le caractère de ce livre, on est forcé de s’avouer qu’il y a dans l’œuvre nouvelle de Mme Ancelot des meubles, des chevaux, du velours, du satin, des mots fins, des reparties malignes, mais que la pensée y tient peu de place, et que le cœur n’y parle presque jamais.


Gustave Planche.