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THE LADY OF LYONS.

ne résiste pas à l’examen. Il s’agit, dans la pièce anglaise, d’un paysan qui épouse la fille d’un riche marchand en se faisant passer pour grand seigneur, et ce paysan se prête à cette supercherie, comme Ruy Blas, pour servir une vengeance qui n’est pas la sienne. Mais là s’arrête la ressemblance, et M. Hugo, pour construire son ouvrage, n’avait pas besoin de connaître la Dame de Lyon. D’ailleurs, la biographie réelle d’Angelica Kauffmann vide le procès d’une façon décisive. L’invention de ce ressort, auquel on paraît attacher une si grande importance, n’appartient ni à M. Hugo, ni à M. Bulwer, ni à M. Léon de Wailly. Il s’est rencontré, en Angleterre, au XVIIIe siècle, un aventurier qui s’est donné pour le comte de Horn, et qui, à l’aide de ce mensonge, a réellement épousé Angelica Kauffmann. Ce ressort diversement employé par trois écrivains est tombé depuis long-temps dans le domaine public. Mais, lors même que M. Hugo eût emprunté cette donnée à M. Bulwer, il resterait toujours entre la Dame de Lyon et Ruy Blas une profonde différence. L’ouvrage anglais est un drame bourgeois qui ne prétend nous offrir ni l’aurore, ni le déclin d’une monarchie. Le caractère et la condition des personnages suffiraient pour absoudre M. Hugo de tout soupçon de plagiat, et les développemens de l’action ne permettent d’établir aucune comparaison entre les deux ouvrages.

Pauline Deschapelles est fille d’un riche marchand de Lyon. Pour retrouver dans Pauline Marie-Anne de Neubourg, il faut plus que de la complaisance. La reine d’Espagne arrive à l’amour par l’abandon ; c’est l’ennui qui la pousse dans les bras de Ruy Blas. Si Charles II, au lieu de chasser les loups, s’occupait de sa femme, Ruy Blas n’entrerait pas dans le lit de la reine. Pauline Deschapelles est tout simplement belle, fière de sa beauté, coquette, gâtée par sa mère ; elle reçoit les hommages de tous les jeunes gens de Lyon comme un tribut qui lui est dû, et ne songe pas à les remercier de leur admiration. Elle croit que sa beauté lui permet de prétendre aux premiers partis, et, comme elle est riche, fille unique, elle désire devenir comtesse, marquise ou duchesse. Assurément un tel personnage n’a rien de commun avec Marie-Anne de Neubourg. Nous l’avons vu cent fois figurer à l’Opéra-Comique ; c’est un type de coquetterie vulgaire qui appartient depuis long-temps aux théâtres de toutes les nations. Pauline éconduit tous les prétendans qui se présentent, et ne veut donner sa main qu’à un homme titré. Malheureusement, dans les dernières années du XVIIIe siècle, ce désir était, en France, difficile à satisfaire, La noblesse étant abolie par une loi, Pauline est