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THE LADY OF LYONS.

tude encyclopédique ; je ne crois guère aux génies capables de se placer entre Pitt et Newton, entre Mozart et Raphaël ; mais la foule est rarement du même avis, et ajoute volontiers foi aux miracles opérés par l’amour. Il me paraît donc naturel qu’elle applaudisse aux efforts de Claude Melnotte et qu’elle voie dans sa passion pour Pauline un talisman tout puissant. Il semble que tous ces ressorts soient depuis long-temps hors de service, et pourtant il est bien rare que ces ressorts manquent leur effet ; car la foule réunie dans une salle de spectacle accepte facilement ce qu’elle dédaignerait dans un livre. Les pensées les plus vulgaires, pourvu qu’elles aient un fonds de vérité, ne manquent jamais de l’émouvoir. Si ces pensées sont confiées à un acteur éminent, elles prennent dans sa bouche tout le charme de la nouveauté. Or, M. Macready a prouvé aux juges les plus sévères qu’il est en mesure de faire valoir les idées les plus banales, de rajeunir les paroles les plus décrépites. Il y a dix ans, il trouvait moyen d’animer les pâles tragédies de Sheridan Knowles ; j’apprendrais sans étonnement que le rôle de Claude Melnotte est devenu entre ses mains une création vraiment poétique.

Il n’y a rien à dire de M.  ni de Mme Deschapelles. Niaiserie et crédulité, tels sont les deux mots qui résument ces deux caractères. Le colonel Damas est un brave militaire qui, depuis vingt ans, a figuré dans quelques centaines de vaudevilles. C’est une vieille connaissance que nous n’avons pas le courage de critiquer. La mère de Claude Melnotte a pour son fils une admiration sans bornes ; elle le prend pour un prodige, et conçoit à peine le dédain de Pauline.

Ainsi, tous les personnages de la Dame de Lyon se séparent profondément des personnages de Ruy Blas. Il n’y a pas un des acteurs du drame français qui soit possible, et tous les acteurs de la pièce anglaise sont d’une trivialité qui échappe à la discussion. La construction générale de la pièce répond à la conception des acteurs. L’analyse individuelle des caractères mis en jeu par M. Bulwer a dû faire pressentir l’action dramatique ; aussi nous suffira-t-il de la résumer rapidement.

Au premier acte, nous assistons à la toilette de Pauline Deschapelles. Tandis qu’une femme de chambre est occupée à la coiffer, à placer des fleurs dans ses cheveux, M. Beauséant, ci-devant marquis, vient la demander en mariage. Le père, la mère et la fille refusent à l’unanimité l’alliance de Beauséant. C’est un riche parti, toute la ville de Lyon connaît sa fortune ; mais il n’a plus de blason, et Pauline, fidèle aux leçons de sa mère, a résolu de n’épouser qu’un