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ACTE PREMIER.


LA LYRE.



Scène PREMIÈRE.

Dans la chambre de maître Albertus. Il écrit. Wilhelm entre sur la pointe du pied. Il fait nuit. On entend dans le lointain le bruit d’une fête.
MAÎTRE ALBERTUS, WILHELM.
albertus, sans tourner la tête.

Qui est là ? Est-ce vous, Hélène ?

wilhelm, à part

Hélène ! Est-ce qu’elle entre quelquefois dans la chambre du philosophe à minuit ? (Haut.) Maître, c’est moi — Wilhelm.

albertus.

Je te croyais à la fête.

wilhelm.

J’en viens. J’ai vainement essayé de me divertir. Autrefois il ne m’eût fallu que respirer l’air d’une fête pour sentir mon cœur tressaillir de jeunesse et de bonheur ; aujourd’hui, c’est différent !

albertus.

Ne dirait-on pas que l’âge a glacé ton sang ! C’est la mode, au reste. Tous les jeunes gens se disent blasés. Encore, s’ils quittaient les plaisirs pour l’étude ! mais il n’en est rien. Leur amusement consiste à se faire tristes et à se croire malheureux. Ah ! la mode est vraiment une chose bizarre !

wilhelm.

Maître, je vous admire, vous qui n’êtes jamais ni triste ni gai ; vous qui êtes toujours seul, et toujours calme ! L’allégresse publique ne vous entraîne pas dans son tourbillon ; elle ne vous fait pas sentir non plus l’ennui de votre isolement. Vous entendez passer les sérénades, vous voyez les façades s’illuminer, vous apercevez même d’ici le bal champêtre avec ses arcs en verres de couleurs et ses légères fusées qui retombent en pluie d’or sur le dôme verdoyant des grands marronniers, et vous voilà devisant philosophiquement peut-être