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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/208

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REVUE DES DEUX MONDES.

l’esprit de la lyre.

Oh ! plaignez-moi, consolez-moi, parlez-moi ; car je suis captif, et je soupire, je tremble, je souffre, je pleure !

albertus.

Le son de cette lyre est douloureux, et ce chant est d’une tristesse mortelle. Hélène ! que se passe-t-il dans ton ame, pour que ton inspiration soit si déchirante ?

wilhelm.

Tout à l’heure le rhythme était plus large, les sons plus puissans, l’inspiration plus triomphante. On eût dit d’un hymne, et maintenant on dirait d’une prière.

carl.

Je n’y comprends rien, moi, mais je souffre, et pourtant je ne puis m’arracher d’ici.

les esprits de l’harmonie.

Frère, nous te parlerons de ta patrie, et tu seras consolé. Nous venons du blanc soleil, que les hommes, tes compagnons de misère, appellent Wega, et qu’ils ont consacré à la lyre. Ton soleil, ô jeune frère, est aussi pur, aussi brillant, aussi serein que le jour où un pouvoir magique t’en fit descendre pour habiter parmi les hommes. Il est toujours régi par le même son. C’est toujours le rayon blanc du prisme infini qui chante la vie de cet astre.

(Les voisins, attirés par la musique, pénètrent dans le jardin et se pressent à la porte du cabinet d’Albertus.)
un amateur.

Voilà un instrument peu usité, mais d’une qualité et d’une étendue de sons incomparables ; c’est sans doute un ouvrage de M. Meinbaker.

un autre amateur.

Probablement. Mais n’êtes-vous pas stupéfait du talent de sa fille ? Je ne crois pas qu’il y ait une pareille virtuose au monde. Et elle prétendait ne pas connaître la musique !

un bourgeois.

Messieurs, vous êtes placés derrière nous. Vous ne voyez pas. Avancez-vous un peu, et expliquez-nous, vous qui êtes des connaisseurs, comment Mlle Meinbaker peut jouer de cet instrument, sans toucher les cordes.

l’amateur, lorgnant.

Ah ! c’est bizarre, en effet ! Je n’avais pas remarqué.