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MUSICIENS FRANCAIS.

LETTRE D’UN VIENNOIS.


III.
M. AUBER.

Voici bien long-temps que j’entends dire qu’il n’y a pas de musique en France. La musique est partout ; il s’agit simplement de savoir la trouver. Dieu n’a pas dépouillé les uns de ses trésors les plus doux pour en combler les autres sans mesure. Attribuer à ceux-ci seulement le droit d’exprimer leurs tristesses en plaintes mélodieuses est un insigne mensonge ; autant vaudrait dire que tel peuple a seul le don des larmes sur la terre. La musique est partout ; Dieu l’a mise dans l’air, dans les vives eaux, dans les grandes forêts, et chacun ensuite la recueille et la traite selon sa fantaisie. Les Allemands rêvent, les Italiens chantent, les Français jasent ; vos femmes n’ont-elles donc pas, comme les nôtres, de belles voix de soprano, au timbre d’or et de cristal ? La musique vient là où des voix harmonieuses l’appellent, car la musique est aux voix ce que le parfum est à la fleur. J’avoue qu’un Français ne saurait guère avoir composé la symphonie en ut mineur ou le second acte de Fidelio. Beethoven nous appartient tout entier avec son énergie austère et puissante, ses emportemens irrésistibles, ses sublimes divagations ; nous ne cédons rien aux autres peuples de ce soleil, ni sa lumière éblouissante, ni même les sonores brouillards dont il voile parfois sa face auguste. Pour