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SALON DE 1839.

je n’ai jamais étudié ces sortes d’effets avec assez de curiosité pour oser affirmer que M. Wickenberg les ait mal rendus.

On distingue de loin les paysages de M. Dupré, par leur couleur éclatante. Je le soupçonne d’avoir étudié beaucoup la manière de notre Constable et celle de M. Decamps. Au premier il a pris des ciels et des terrains, au second ses arbres empâtés et se détachant en vigueur sur une vive lumière. De près, dans ses tableaux, on ne voit qu’une masse confuse, mais à la distance convenable on distingue un effet puissant et harmonieux. Après les paysages de M. Decamps, je n’en connais point de plus lumineux que ceux de M. Dupré, et ce qu’il n’a pris à personne, c’est un sentiment très vif de la couleur. En voyant son Site du Bas-Limousin, no 648, et son Gué, no 652, personne ne lui contestera, j’imagine, cette qualité précieuse. Il est à regretter qu’il n’ait pas plus de finesse dans la touche, et qu’il ne varie pas assez ses moyens. Je voudrais aussi qu’il étudiât davantage ses figures d’hommes et d’animaux dont l’incorrection est souvent évidente malgré leur très petite proportion.

Il est un reproche qu’on peut adresser à presque tous les paysagistes français, c’est de négliger leurs premiers plans, faute de pouvoir y placer des détails exacts et pris sur nature. Si l’on n’indique point par une exécution variée les différens plans d’un paysage, il en résultera une confusion inévitable. On peut s’en convaincre en examinant la jolie Vue du château Saint-Ange, no 1067, par M. Jadin. La couleur en est riche, les lointains bien rendus, mais les fabriques les plus rapprochées du spectateur ne sont pas plus terminées que celles du fond. Ses Caccine de Florence, no 1068, me paraissent préférables, parce qu’elles sont plus étudiées, mais point encore assez, surtout pour un tableau destiné à être vu d’assez près.

Les marines et les paysages m’ont entraîné bien loin ; et aussi prolixe que le vieillard d’Hernani, « j’en passe et des meilleurs. » Cependant, j’ai oublié quantité d’autres tableaux dont je voulais entretenir mon lecteur. Je l’ai prévenu ; il ne doit point chercher ici d’ordre logique ; je rends compte de mes impressions à mesure que je les éprouve, et si j’avais voulu établir une classification systématique entre les deux mille tableaux du salon, il eût été fermé avant que j’eusse pu arranger régulièrement ma table des matières.

Il y aurait de l’injustice à refuser à M. Brune une couleur puissante et un certain caractère de grandeur qui fait penser aux Carraches. Son allégorie de l’Envie, no 250, est une œuvre remarquable, malgré ses défauts, qui frappent les yeux les moins exercés. À côté