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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/368

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REVUE DES DEUX MONDES.

quelque aisance, il tue au commencement de l’hiver une génisse qu’il sale, et le dimanche sa femme en fait bouillir un morceau. Le jour de Noël est le seul où il sorte de son abstinence habituelle. Ce jour-là, on brasse dans sa maison de la bière, qui est, comme dans toute la Suède, connue sous le nom de bière de Noël (Julœl) ; on pétrit des gâteaux, on découpe un quartier de génisse, et toute la communauté, parens, enfans, voisins et domestiques, s’asseoit à la même table et se réjouit comme les bergers de Bethléem de la venue du Sauveur.

Un grand jour aussi pour lui est celui où l’un de ses enfans se marie. La cérémonie nuptiale a lieu ordinairement en hiver, car alors les paysans sont plus libres et les voyages plus faciles. Une semaine avant le jour solennel, deux ou trois messagers s’en vont par différentes routes inviter à la noce les propriétaires et les domestiques de tous les gaard du voisinage. Puis l’heure de la réunion arrive. La chambre des fiançailles est tapissée de rameaux verts ; les pièces de bœuf rôtissent au foyer, et les flacons d’eau-de-vie brillent sur la table. La bonne mère de famille a préparé, pour cette grave circonstance, son linge le plus fin et sa vaisselle la moins ébréchée. Les voisins sont venus à son secours, et tout ce qu’il y a d’assiettes de faïence et de cuillères d’argent à plusieurs lieues à la ronde est réuni ce jour-là dans la demeure des fiancés. Bientôt on entend le galop des chevaux qui amènent les convives. Les légers traîneaux glissent dans la cour de la ferme. On court au-devant des nouveau-venus ; on leur serre la main, on les fait asseoir près du feu, on leur sert de la bière et de l’eau-de-vie. Puis, un instant après, le son des grelots recommence, les étrangers abordent de tous côtés, et dans l’espace de quelques heures, deux à trois cents personnes se trouvent rassemblées dans la même enceinte. Après le déjeuner, les fiancés s’avancent conduits par leurs parens. Le jeune homme porte un habit de fin vadmel, un gilet à boutons brillans, et la jeune fille, une ceinture d’argent et une couronne dorée. Tous deux s’asseoient au milieu de la salle sur des siéges recouverts d’un manteau de soie. Le prêtre les bénit ; puis, lorsque les prières sont achevées, il va se mettre devant une table sur laquelle un domestique vient de poser un large plateau. Il adresse une allocution aux convives, et leur recommande le jeune couple qui va entrer en ménage. Chacun connaît d’avance le dernier mot de cette charitable harangue, et chacun tire sa bourse. D’abord viennent les parens qui déposent dans le plateau de beaux écus neufs recueillis exprès pour cette solennité, puis les riches voisins qui y portent parfois jusqu’à 15 ou 20 francs, et les domestiques qui apportent aussi leur offrande ; après quoi, on se met à table, on boit, on danse, on fait une ample consommation de bière et d’eau-de-vie. Les convives restent là deux ou trois jours, couchent dans la grange, et viennent tour à tour s’asseoir à la même table. Mais, en comptant leurs recettes, il est rare que les nouveaux mariés n’aient pas un ample bénéfice sur les frais de leur hospitalité.

Cette race finlandaise, que je voyais pour la première fois dans son propre