Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/441

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
437
REVUE. — CHRONIQUE.

cependant son titre et ses promesses l’obligeaient à rendre un compte exact. En se renfermant dans le champ déjà si vaste de la peinture italienne, l’historien de celle-ci n’aura point à traiter les questions que des rivalités nationales rendent fort délicates, et pour lesquelles je doute qu’il existe en Europe de tribunal absolument compétent.

Nous n’insisterons pas sur la beauté du sujet que M. Rosini se voue maintenant à traiter. De toutes les manifestations de l’intelligence humaine, aucune n’est plus variée, plus expressive et plus touchante que l’art, tel que les Italiens l’ont conçu dès le XIIIe siècle : c’était la poésie des formes, la musique des couleurs, plus colorée que l’une, plus définie que l’autre ; il fallait, pour bien exercer et même pour bien sentir l’art parvenu à ce point de noblesse, une organisation tout à la fois énergique et délicate. L’abrégé des conceptions les plus hautes, les mieux faites « pour enlever notre intelligence de la terre vers le ciel, » se reproduisait chaque jour sous le pinceau des grands maîtres. C’est une tâche assurément difficile de retracer de tels succès, d’en suivre l’idée dominante à travers une si prodigieuse variété de développemens et d’applications ; mais nous ne croyons pas le professeur Rosini au-dessous de cette entreprise. Pour juger de son instruction en matière d’art, de l’éloquence mâle et passionnée avec laquelle il sait l’exprimer, de la critique judicieuse avec laquelle, dans son appréciation large et compréhensive du beau, il sait en distinguer les degrés et en classer les qualités inégales ; pour pressentir, en un mot, ce que, renfermé dans un tel sujet, il est capable d’en tirer, on peut se borner à lire quelques chapitres de deux ouvrages qui ont obtenu un grand succès en Italie, et par lesquels M. Rosini a préludé à ses travaux actuels : la Monaca di Lonza et surtout la Luisa Strozzi. L’introduction que nous avons sous les yeux suffirait, d’ailleurs, pour donner la plus haute idée des connaissances amassées par l’auteur, et de son talent pour les mettre en œuvre.

C’est généralement à Cimabuë qu’on attribue l’honneur d’avoir ressuscité la peinture en Italie. Autant vaudrait faire commencer la poésie toscane à Brunetto Latini. La peinture date de Giotto, comme la poésie date de Dante : dans l’un et dans l’autre on vit paraître, pour la première fois, « le dessin et la grace, » sans lesquels il n’y a point d’art. Mais si l’on reconnaît, avec Ennius Quirinus Visconti, que « la sculpture est la maîtresse de la peinture, sa règle, son guide, » alors c’est à Nicolas de Pise qu’il faut remonter pour trouver le germe de la résurrection artistique de l’Italie, c’est à ce noble génie qu’il faut attribuer l’honneur d’avoir remis l’art dans la voie de la vérité antique, c’est-à-dire du naturel et de la beauté. Un pas de plus nous conduit à Giotto, né moins d’un siècle après Nicolas de Pise. L’Ange debout devant l’Éternel, copié sur une des fresques les plus précieuses, mais les plus mutilées, du Campo Santo, et dont la gravure au trait a été placée par M. Rosini dans son introduction, prouverait à lui seul que l’inspiration la plus véritablement divine était descendue sur la peinture florentine dès les premiers jours de sa naissance. Giotto voyagea beaucoup, comme s’il eût voulu semer par toute l’Italie les étincelles de ce feu sacré, et chacun de ses pas voyait éclore une école de pein-