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la taxe des pauvres, et un système de travaux publics aux frais de l’état.

De ces grands problèmes, celui qui se rapporte à l’église anglicane d’Irlande est le plus sérieux par les puissans intérêts qu’il froisse et les populaires passions qu’il soulève. Avant de l’aborder avec les développemens qu’elle comporte, nous nous arrêterons un instant aux deux autres questions, qui, à des degrés différens, touchent également à la condition politique et sociale de l’Irlande.

Les abus qui s’étaient révélés en Angleterre lors de la discussion relative aux corporations municipales ne purent manquer de se présenter avec un caractère plus odieux encore, lorsqu’une discussion approfondie s’ouvrit au sein du parlement sur les corporations irlandaises. Ici, à l’usurpation historique s’étaient jointes la tyrannie de secte et la suprématie d’une caste sur une autre ; c’étaient elles qu’il s’agissait de briser en donnant à la population non conformiste, dans la conduite des intérêts municipaux, une part proportionnée à son importance et à son chiffre numérique. Le ministère affirmait avec raison avoir atteint ce but en proposant d’appliquer à cette partie des domaines britanniques, si long-temps placée en dehors du droit commun, les principes consacrés pour l’Angleterre et l’Écosse par le corporation-act, statut dont nous avons analysé ailleurs les dispositions fondamentales. D’après le projet du cabinet, le droit électoral était conféré à tout citoyen, sous condition d’un cens fort abaissé. Ce fut sur le chiffre du cens que s’engagea l’une des plus longues discussions dont les annales parlementaires aient consacré le souvenir : le parti tory, n’osant contester l’urgence d’une réforme depuis les honteuses révélations de l’enquête, ne s’attacha qu’à la rendre inefficace, en maintenant en dehors de la jouissance des droits municipaux la masse de la population catholique et dissidente. Les amendemens de sir Robert Peel trouvèrent à la session de 1838, dans la chambre des lords, la majorité qui leur avait manqué de bien peu dans celle des communes, et lord Lyndhurst refit pièce à pièce l’œuvre de lord Russell.

Mais, quelle que soit la gravité de cette question, elle n’est pourtant que d’un intérêt secondaire pour l’Irlande en regard de plusieurs autres. C’est par sa bourgeoisie, tout opprimée qu’elle ait été, que le génie national de ce peuple est parvenu à se montrer redoutable ; c’est à sa classe moyenne que l’Irlande doit sa délivrance ; c’est à elle qu’est confiée l’influence prépondérante sur son avenir comme sur celui de l’Angleterre, que l’union législative a commis en quelque sorte à la discrétion du peuple vaincu. On doit donc tenir pour certain