Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/552

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
548
REVUE DES DEUX MONDES.

tendrait à établir une plus étroite association d’intérêts entre le pouvoir et le clergé catholique d’Irlande, et le dégagerait de l’atmosphère révolutionnaire où le retient aujourd’hui sa condition dépendante.

Le salaire du clergé est donc une idée essentiellement gouvernementale, qui a contre elle toutes les passions, tous les mauvais instincts, et ne peut se défendre que par de sévères considérations politiques. Il appartiendrait à O’Connell d’arborer ce drapeau de sagesse et de conciliation, et de le tenir de sa main forte et haute, nonobstant les clameurs qui partiraient peut-être de son propre camp. Ce qui, à la seconde période de sa vie politique, fait l’honneur de cet homme éminent, ce qui lui assure une place éclatante au-dessus des renommées contemporaines, c’est qu’il a été tour à tour, et pour ainsi dire en même temps, homme de gouvernement et homme de faction, ne se servant de la puissance révolutionnaire que pour atteindre un but légitime, et puis, ce résultat obtenu, trouvant en lui-même assez de force pour contenir celle qu’il empruntait aux passions du dehors ; toujours maître de son instrument, comme le conducteur d’une machine l’est de la vapeur qu’il condense, toujours tendant aux mêmes fins, et sachant continuer dans les luttes régulières de Westminster les tentatives commencées au sein de réunions tumultueuses. L’homme politique qui soutient le ministère Melbourne contre les assauts réitérés de l’orangisme en Irlande et du torysme en Angleterre, ne sera pas moins grand devant la postérité que le redoutable agitateur soulevant, à l’élection de Clare, les tenanciers contre leurs seigneurs ; et, quoi qu’en puisse penser et dire le vulgaire, il y a une gloire aussi solide à recueillir dans ces nuits sans repos de la chambre des communes, dans ces combats de chaque jour où le cabinet whig triomphe à peine de quelques voix, que dans des processions enivrantes faites à la face du ciel, sous l’escorte d’un peuple tout entier. Le ministère whig n’a pas fait sans doute pour sa patrie tout ce que réclame O’Connell et tout ce qu’exige la justice, mais les intentions de ses membres sont bienveillantes et droites ; il a été presque toujours jusqu’aux limites qu’il ne pouvait franchir sans se briser, et sans faire tomber avec lui la dernière espérance d’un gouvernement libéral pour la Grande-Bretagne. N’est-il point noble et moral de lui tenir compte de ses efforts, n’est-il pas habile de demander à l’esprit de transaction ce que l’Irlande aurait peine à conquérir par la force, ce qu’elle n’arracherait, dans tous les cas, qu’au prix des plus grands sacrifices ? Que les whigs se maintiennent aux affaires sous l’influence croissante du nouveau parti radical, et les membres irlandais, restant les dispensateurs obligés de la majorité