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enveloppée dans une pièce d’étoffe blanche, que leurs vêtemens sont blancs aussi, que parfois des ornemens d’argent s’entremêlent dans leur coiffure ; qu’enfin elles vous offrent des modèles assez exacts des costumes des femmes de l’antiquité.

Il y avait dans la maison où nous logeâmes le premier soir une pauvre malade pour laquelle nous fûmes consultés. La maladie paraissait s’être aggravée depuis le combat livré contre les bandits ; nous eûmes ainsi quelques détails. La bande se composait de quatre hommes. Depuis plus d’un an qu’elle exerçait ses brigandages, la force armée n’avait jamais pu la rejoindre, et les paysans se bornaient à bien fermer leurs portes le soir. Un jour, cependant, les brigands s’emparent d’un vieillard qui se rendait au village, et font savoir à sa famille qu’ils ne le relâcheront que moyennant une rançon assez considérable. La famille, ne pouvant payer toute la somme exigée, demanda qu’elle fût réduite. La réponse fut que, si l’argent n’était pas compté tel jour, à telle heure, les jours du malheureux vieillard seraient compromis. Alors le fils de la victime, poussé par le désespoir, réunit la population de Marco-Poulo. Il lui adressa une harangue pleine de chaleur. Les femmes furent émues, les hommes coururent à leurs fusils ; on partit au nombre de soixante ; on cerna un bois dans lequel les bandits devaient être ; on marcha en convergeant ; on les rencontra, prenant leur repas et ayant auprès d’eux le malheureux vieillard, pieds et poings liés. Les bandits, sommés de se rendre, répondirent par des coups de fusil ; les villageois ripostèrent. Le chef de la bande fut tué, deux de ses gens furent blessés, le quatrième se rendit ; on conduisit les trois prisonniers à Athènes ; mais un des blessés mourut dans le trajet : il ne resta donc, pour le glaive de la justice, que deux têtes à frapper. Ce fut, comme vous le pensez bien, un jour de fête pour les habitans de Marco-Poulo, et nous dûmes à cette circonstance de trouver encore des gens levés à l’heure où nous y arrivâmes.

Le lendemain, nous partîmes pour Chalcis ; mais la pluie qui continuait, et plus encore le débordement du fleuve Asopo, gonflé par les eaux tombées dans la Béotie, nous forcèrent de nous arrêter, après deux heures de marche, à ce même Oropo où nous comptions coucher la veille. Nous eûmes donc un retard de vingt-quatre heures ; car ce ne fut que le surlendemain de notre départ d’Athènes, que nous pûmes arriver à Chalcis. Chalcis est Négrepont, qui a repris son nom antique, de même que toutes les villes de la Grèce reconstituée.

On est étonné, en traversant le détroit qui sépare le continent de l’île de Négrepont, de voir de combien peu il s’en est fallu que cette île ne fût une presqu’île. Le bras de mer a cinquante mètres tout au plus de largeur. La profondeur de l’eau n’est pas, à la marée haute, de plus de deux mètres, et la longueur du canal présente un développement de cent cinquante mètres environ. On peut évaluer à cinquante ou soixante mille mètres cubes les matériaux qu’il faudrait pour combler le détroit et pour en faire un isthme.