Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/694

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.



DE
LA LITTÉRATURE POPULAIRE
EN ITALIE.

I.
VENISE.

Il ne faut chercher, dans la poésie italienne du XVIe siècle, ni les traditions, ni l’histoire, ni les mœurs de l’Italie ; la nationalité de cette poésie est profonde, mais abstraite ; rien de plus italien que la Jérusalem délivrée ou le Roland Furieux, mais l’action de ces poèmes est empruntée à l’histoire de France. Pulci, Berni, ont chanté ironiquement des exploits chevaleresques étrangers à l’Italie. D’autres poètes ont préféré les souvenirs classiques à l’histoire nationale, et le peuple italien a toujours été en dehors de la poésie italienne. Qu’une nation, sans poésie, sans traditions, sans vitalité, se trouve réduite à imiter les étrangers ou les anciens, c’est naturel ; mais que l’Italie du XVIe siècle ait oublié toutes ses gloires italiennes, son magnifique moyen-âge, son Dante, la papauté de Grégoire VII, les vêpres siciliennes, les condottieri, Cola de Rienzo, Savonarola, une foule de héros, et avec tout cela les mœurs si poétiques de Venise, de Naples et de Palerme, c’est un phénomène sans exemple dans l’histoire des littératures.

Pourquoi une poésie si riche est-elle si impopulaire ? Parce que la littérature italienne s’est répandue de Florence dans toutes les cours de la péninsule,