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DE LA LITTÉRATURE POPULAIRE EN ITALIE.
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n’a consenti à donner sa main qu’à celui qui résoudra trois énigmes. Elle a déjà envoyé à l’échafaud les amans qui ont succombé à cette épreuve. La scène est à Pékin ; les évènemens de la pièce se déroulent à travers un chaos de mœurs fantasques, de cérémonies étranges, de lois bizarres. Cette fois, Arlequin, Scapin et le Bègue sont des mandarins ; Pantalon, premier ministre, est révolté de la barbarie des lois chinoises ; tout l’empire de la Chine paraît sur la scène, depuis le bourreau jusqu’à l’empereur. Cela n’empêche point la pièce de tomber dans le genre larmoyant ; faute de nécromant, l’intrigue se brouille ; Gozzi est obligé de tirer ses ressources de la réalité, et son talent ne se développe plus à l’aise. Dans la quatrième pièce, le Roi cerf, on le voit revenir à ses transfigurations, à ses contes napolitains, à ses créations imaginaires ; il ne veut plus être gêné par la réalité, il est résolu, dit-il, à pousser la hardiesse aussi loin qu’elle peut aller. Tous les Vénitiens connaissaient alors un charlatan nommé Cigolotti, qui vendait des secrets, et contait des histoires sur la place Saint-Marc. Le drame du Roi cerf commence par un monologue de Cigolotti. « J’ai été, disait-il, au service du nécromant Durandarte, qui apprit deux grands secrets à Deramo, roi de Serandippe, lors de son dernier voyage à Venise. Un jour Durandarte m’appela à lui : Cigolotti, me dit-il, garde-toi bien de parler à personne des secrets que j’ai livrés au roi de Serandippe. Reste toujours avec une robe trouée de drap noir, avec un bonnet de laine, des souliers percés ; ne te rase qu’une fois tous les deux mois, et gagne ta vie en faisant des contes sur la grande place de Venise. À partir de l’an 1762, ces deux secrets enfanteront de grands évènemens, tu me porteras dans la forêt de Roncislappe, sous la forme de perroquet, et tu m’y laisseras, parce que je dois punir une grande trahison accomplie à l’aide du plus terrible des deux secrets que j’ai confiés au roi de Serandippe. — À peine avait-il fini de parler qu’il s’écria : Cigolotti, ma destinée va s’accomplir, le roi des fées m’oblige à vivre en perroquet pendant cinq ans. Souviens-toi du 5 janvier 1762, de la forêt de Roncislappe ; là je me ferai prendre par un chasseur, j’opérerai des prodiges, ma peine finira, et, à six heures du soir, tu recevras vingt sous pour prix de tes services et de ta fidélité ! Cela dit, à mon grand étonnement, il se transforma en un magnifique perroquet. » La scène suivante nous montre Bredouille et Clarice, sa fille, dans les appartemens du palais qu’habite le roi Deramo. Bredouille exige que sa fille se présente au roi. Deramo, qui songe à se marier, a déjà refusé deux mille sept cent quarante-huit femmes ; il descend à la bourgeoisie ; Bredouille espère que Clarice pourra fixer le choix du monarque ; elle n’est pas laide ; si elle devient reine, lui, Bredouille, sera l’homme le plus puissant du royaume. Clarice ne veut pas se présenter au roi. Bredouille menace de lui arracher les oreilles et de lui couper le nez ; Clarice avoue alors qu’elle aime Léandre, fils de Pantalon ; Bredouille devient furieux, il ne peut pas comprendre qu’on puisse préférer le fils de Pantalon à un roi. Clarice insiste dans son refus, elle ne veut pas se mettre en concurrence avec Angela, son amie, qui aime éperdument le roi. Nouvelle rage de Bredouille. « Angela !