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dit-il, la fille de Pantalon, aime le roi ? (À part.) Angela, mon ange, ce joyau que je voulais épouser par amour ou par force ! (Haut.) Clarice, écoute-moi. Si tu ne te présentes pas au roi, si tu avoues ton amour pour Léandre, si tu ne deviens pas reine, si tu révèles ce que je te dis, je te tuerai. » Pantalon et Angela, dans un autre appartement, s’entretiennent sur le même sujet. Angela est agitée par la crainte ; Pantalon la rassure. « On ne sait rien, ma fille, dit-il, deux mille sept cent quarante-huit filles ont été refusées. Le roi les conduit dans un petit cabinet, il leur fait deux ou trois questions, et il les renvoie poliment. On ne sait rien. Certes le roi n’est jamais dominé par une humeur bizarre. Depuis tant d’années que je le sers, je l’ai toujours trouvé bon, sage, éclairé et doué de toutes les qualités d’un grand prince ; mais dans cette affaire il y a quelque chose de mystérieux. » Angela répond qu’elle ne veut pas s’exposer à un refus. « Certainement il te refusera, dit Pantalon, mais il veut te voir. Je me suis jeté à ses pieds pour te faire dispenser de cet examen ; je lui ai dit que nous sommes Vénitiens honnêtes, mais pauvres, que nous devons nos charges à sa générosité. Peine perdue ! il t’a fait mettre dans l’urne, et tu es sortie la troisième. Qu’y faire ? Il faut se soumettre. Crois-tu que j’aime les bavardages des beaux-esprits ? Le cœur m’en crève, mais il faut se présenter. » Angela lui avoue qu’elle adore le roi, et que, s’il la refuse, elle mourra de chagrin. La troisième scène est un dialogue de Scapin et Smeraldina sa sœur ; Scapin lui donne des leçons de bon ton ; Smeraldina est habillée à l’orientale ; elle espère que son costume fera tourner la tête au roi ; Truffaldin, son amant, la supplie de lui rester fidèle ; elle lui rit au nez. Le reste du premier acte se passe dans le cabinet du roi. Là nous est révélé le secret de Durandarte ; ce secret consiste en une statue qui rit toutes les fois que les femmes mentent. Le roi fait entrer Clarice, lui demande si elle l’aime ; elle dit que oui ; la statue rit, et Clarice est renvoyée. Vient ensuite Smeraldina : la statue éclate de rire. Angela se présente la dernière ; la statue ne rit pas, et le roi épouse la fille de Pantalon au grand dépit de Bredouille, qui, rongé par la jalousie et par l’envie, songe déjà aux moyens de se venger. Au second acte, le roi est à la chasse ; Bredouille veut le tuer ; il pénètre le second secret de Durandarte, et en profite ; victime d’une trahison, le roi est transformé en cerf, tandis que Bredouille passe dans le corps du roi. Tout est bouleversé par cette transfiguration ; Bredouille, toujours sot et méchant, devient terrible une fois qu’il possède le pouvoir. Il est cruel, emporté, soupçonneux ; il persécute tout le monde, il fait emprisonner tous ses courtisans. On ne sait pas où il s’arrêterait ; mais Cigolotti s’est souvenu du 5 janvier, il a déposé son perroquet dans la forêt. Arlequin a pris l’oiseau dans ses filets, en a fait cadeau à la reine, et, au moment où Bredouille met le comble à ses forfaits, le nécromant reprend sa forme, opère des prodiges et force Bredouille à quitter le corps du roi et à passer dans le corps d’un vieillard hideux et décrépit.

La Zobeide, la Femme serpent et le Monstre bleu, tels sont les titres des trois pièces que Gozzi fit succéder au Roi cerf ; il en a tiré les sujets des plus