Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/730

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
726
REVUE DES DEUX MONDES.

leste peut-être, mais bien dans la manière du temps, les charmans récits des aventures de Mariamé et de la fortune de Chamillart, sont surtout à distinguer. Dans les autres morceaux où ne se mêle point quelque galante rencontre ou quelque épisode d’amour, M. Paul de Musset garde sans doute tous les avantages de son esprit preste et habile à mettre en scène ; mais l’intérêt, quoique toujours éveillé, ne se soutient plus au même degré, à moins qu’il ne soit tout-à-fait question d’originaux bizarres, comme le duc de Coislin ou le maréchal de Gassion. Ces biographies, ingénieusement arrangées, ne sont certes pas, malgré l’exactitude de la couleur, de nature à suffire historiquement et à satisfaire les érudits, et je ne sais, d’un autre côté, si pour les lecteurs mondains ces simples portraits ne gagneraient pas à devenir un peu plus romanesques. Dès qu’on n’est pas tout-à-fait vrai, et qu’on sait, comme M. Paul de Musset, garder le ton et la mesure, l’imagination pourrait, sans grave inconvénient, se mettre plus à l’aise. Peut-être est-ce là une ridicule objection ? Comme Midas, je laisse passer un coin de l’oreille du pédant. Après tout, il ne s’agit pas de notices académiques, et si j’ai à reprendre aux galanteries un peu multipliées de Mlle Paulet, cette lionne, comme la nomme Des Réaux, cette rousse au teint blanc, comme l’appelle Somaize ; si les bonnes fortunes de Patru, ce huguenot de grande vertu, pour parler avec Costar, me paraissent aussi un peu nombreuses ; si le touchant amour de Gombaud pour Anne d’Autriche me semble invraisemblable dans ses détails ; si enfin l’hôtel de Rambouillet, qui m’apparaît là d’ailleurs avec la fraîche tenture du cabinet bleu, dérange un peu mon idéal, qu’importe ? Ce sont là des préoccupations d’historien littéraire qui sait trop son Ménage et son Vigneul-Marville. Ce que j’aime vraiment moins et avec quelque raison, c’est le récit des farces de Rénevilliers et de Fontenay. J’aurais sans doute très mauvaise grace à trouver immorales quelques aventures amoureuses, quelques données comiques qui, pour être un peu vives et gaies, sont mille fois moins répréhensibles que les situations passionnées et factices des compositions actuelles. Seulement, au point de vue littéraire, cela n’a plus aussi bien sa couleur. Où eût-on raconté, sous Louis XIII, les tours de ces deux mauvais sujets ? Ce n’eût pas été, à coup sûr, dans les salons de Mme de Rambouillet ou même aux samedis de Mlle de Scudéry. Guy Patin eût pu en parler à la table de Naudé, mais il n’en eût pas lu le récit, et je ne vois guère que Colletet et Saint-Amant qu’une pareille lecture eût charmés.

M. Paul de Musset écrirait, à notre sens, d’excellentes comédies, et il s’y devrait essayer. Ses dialogues sont vifs, nets, spirituels ; il tourne habilement les situations difficiles, et plusieurs de ses nouvelles d’aujourd’hui seraient de charmans motifs pour la scène. En attendant, et comme son frère, il s’est borné jusqu’ici à un spectacle dans le fauteuil. Nous sommes convaincus que ses lecteurs ne s’y endormiront point. C’est ce qui n’arrive pas toujours aux habitués de nos théâtres.

L’Homme et l’Argent, par M. Émile Souvestre[1]. — Au fond d’une

  1. vol. in-8o, 1839, chez Charpentier, rue des Beaux-Arts, 6.