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rappelât d’une manière parfaite celle des premiers chrétiens, il fut résolu que tous les biens seraient communs. Il fallut qu’une expérience de dix années vînt manifester dans tout leur jour les inconvéniens d’une pareille constitution, pour qu’on se déterminât enfin à l’abolir. Après dix ans, la colonie ne comptait encore que trois cents membres ; mais avec l’établissement de la propriété, la population ne tarda pas à s’accroître, et de nouvelles recrues fournies par la persécution qui ne se ralentissait point venant sans cesse en augmenter le nombre, les établissemens déjà commencés s’étendirent, d’autres se formèrent. Ainsi fut fondé l’état de Massachussett. L’esprit et la tendance judaïque qui caractérisaient la secte des puritains se reproduisit dans la vie, dans l’histoire et dans la constitution de cet état. Les conditions qui leur avaient été imposées par la métropole furent éludées, les lois anglaises remplacées par les lois de Moïse ; un traité d’alliance fait avec Dieu devait leur rappeler qu’ils formaient un peuple privilégié et spécialement choisi de sa main ; le nom de Salem, donné au lieu où s’était formé leur premier établissement, leur rendait sans cesse présent le souvenir de l’antique Jérusalem ; et pour que rien ne manquât à l’analogie, tous ces nouveaux Israélites s’engagèrent par un traité solennel à exterminer les tribus idolâtres des Pequods, dont le voisinage les inquiétait et les menaçait à la fois. Depuis ce temps, l’état de Massachussett, et dans l’état, la ville de Boston qui en est devenue la capitale, sont restés comme le nid du puritanisme ; leur histoire n’a été que le développement des qualités, soit bonnes, soit mauvaises qui distinguent cette forme religieuse. Crainte de Dieu, esprit de dévouement et de sacrifice, persévérance opiniâtre, indépendance hautaine et intolérante, tels furent, tels sont encore aujourd’hui les caractères de cet état et de tous ceux qui en sont sortis plus tard. C’est de Boston que partit la résistance ; c’est là que fut levé, pour la première fois, l’étendard de cette insurrection qui a introduit dans l’histoire un élément et une forme inconnue jusqu’alors. Le Nouvel-Hampshire avec sa population agricole, l’état de Vermont avec ses villages gracieusement posés au fond des vallées ou sur le penchant des collines, et habités en grande partie par des bergers dont les mœurs simples et patriarcales rappellent la Suisse ; l’état du Maine, fondé pour servir de barrière aux envahissemens de la France et de la religion catholique : ces trois états peuvent être considérés comme les satellites de celui de Massachussett. Comme dans ce dernier personne ne pouvait jouir des droits politiques, s’il n’appartenait à la confession religieuse qu’on y avait adoptée, le moindre dissentiment dans les matières théologiques déterminait une émigration ; c’est de cette manière que les états de Connecticut et de Rhode-Island prirent naissance. Une physionomie toute particulière les distingue. Quoique d’une étendue très bornée, ils ont été et sont encore le centre du mouvement intellectuel et religieux de toute l’Union. C’est là qu’il s’imprime le plus de livres ; c’est là que sont les écoles les plus considérables ; c’est de là que partent les missionnaires que le fanatisme répand parmi les tribus indiennes ; c’est là qu’on peut étudier dans sa pureté primitive le type du Yankee, ce type si précis