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ÉTAT MORAL DE L’AMÉRIQUE DU NORD.

fois en cruauté. Rien ne peut excuser sa conduite inhumaine envers la tribu indienne des Cherokees, la plus disposée peut-être de toutes les tribus indiennes à participer aux bienfaits du christianisme et de la civilisation. L’autorité du tribunal de l’Union, et sa sentence en faveur des malheureux Indiens opprimés n’ont pu vaincre la cupidité des Géorgiens. Le territoire qu’ils convoitaient renfermait de l’or ; il le leur fallait à tout prix, et les lois se sont trouvées impuissantes contre eux.

Le Maryland forme le troisième groupe parmi les états de l’Union, et c’est peut-être celui dont la formation a été la plus régulière et a produit les résultats moraux les plus satisfaisans. Sir George Calvert, secrétaire d’état sous Jacques Ier, fut contraint, par sa conversion à la foi catholique, de quitter un emploi qu’il avait rempli avec zèle et fidélité. Devenu lord Baltimore par la faveur du roi, qui avait voulu lui donner une marque particulière de son estime, il en obtint encore comme fief les terres situées au nord du fleuve Potomack. Rien ne surpasse le désintéressement, la générosité, le dévouement et la sagesse qui dirigèrent cet homme admirable dans l’établissement qu’il forma, et dans le choix des institutions qu’il lui donna. Nous ne pouvons mieux faire que de citer le témoignage si honorable que lui donne Bancroft dans son histoire des États-Unis d’Amérique. « Il fut le premier, dit-il, dans l’histoire du monde chrétien, qui chercha la paix et l’assurance que donne la religion, non dans l’exercice du pouvoir, mais dans celui de la justice. Le premier il voulut concilier les institutions populaires avec la liberté de conscience. Le premier il vit dans l’égalité légale de toutes les confessions chrétiennes un moyen de progrès pour la moralité. L’asile des papistes, situé dans un coin du monde jusqu’alors inconnu, sur le rivage de fleuves qu’aucun homme n’avait encore explorés, devint précisément le lieu où la tolérance et la liberté de conscience fut proclamée comme la base et le fondement de toutes les institutions. » Lord Baltimore consacra plus de quarante mille livres sterling à cette œuvre, qui fut l’œuvre et la pensée de toute sa vie. Ses fils héritèrent de son esprit et agirent dans la même direction. La concorde la plus parfaite régnait entre les nouveaux colons et les tribus indigènes. Les Indiennes apprenaient aux femmes des colons à préparer le pain de riz, pendant que les Indiens instruisaient les hommes dans l’art de la chasse. Mais après l’expulsion de Jacques II, la constitution du Maryland fut détruite. La liberté de conscience, que les catholiques avaient proclamée, fut abolie, et les catholiques et les quakers furent également persécutés. Tous ces changemens furent favorisés par les descendans de lord Baltimore, qui passèrent à l’église anglicane. Toutefois la ville de Baltimore conserve encore des vestiges de l’esprit dans lequel elle fut fondée. Des maisons d’éducation élevées par les catholiques, mais ouvertes à toutes les sectes, y attirent une nombreuse jeunesse par la supériorité de l’enseignement qu’on y reçoit. C’est aussi à Baltimore que se forma, dès l’an 1789, une association pour l’abolition de l’esclavage. Une tolérance plus large et mieux entendue, et un sentiment plus profond de la charité chrétienne, ont