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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/810

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toujours été les caractères distinctifs du Maryland, tant il y a de puissance et de force dans le germe des institutions humaines, tant il est vrai que les choses et les évènemens de ce monde développent toujours plus ou moins, malgré les obstacles, les principes dont ils sont nés.

William Penn, fils de l’amiral du même nom qui conquit la Jamaïque sous Cromwell, frappé de l’austère simplicité des quakers, se sentait invinciblement attiré vers cette secte, que George Fox venait de fonder. Vainement son père, effrayé de ses dispositions, avait cru que les voyages pourraient les modifier dans un sens favorable à ses projets. Il avait particulièrement compté sur la France, où il pensait que l’esprit trop sérieux de son fils ne saurait point résister à l’influence de la société au milieu de laquelle il vivrait, et des exemples qu’il aurait sous les yeux. Mais rien ne put ébranler la volonté déterminée du jeune William. Emporté par son zèle, on le voyait prêcher dans les rues et sur les places. Traduit devant les tribunaux, persécuté par l’église établie, menacé par l’évêque de Londres de la prison perpétuelle, il se montra toujours inébranlable dans sa résolution, et finit par vaincre la résistance de son père, qui le bénit avant de mourir et le laissa héritier d’une fortune considérable. Penn vit bien qu’il lui serait impossible de réaliser ses projets en Angleterre. Il résolut donc de quitter sa patrie et d’aller chercher en Amérique un lieu où il pourrait accomplir les desseins qu’il croyait lui avoir été inspirés de Dieu. Charles II lui octroya comme fief le territoire situé entre le Maryland et New-Jersey, et, faisant violence à sa modestie, donna le nom de Pensylvanie à cette contrée, que Penn voulait appeler Sylvanie. Sa justice lui concilia bientôt tous les Indiens du pays, qui conservèrent long-temps encore après sa mort le souvenir de ses vertus. Il donna le nom de Philadelphie à la ville qui devait être le centre des relations sociales pour tout l’état ; car, dans la pensée du fondateur, elle devait accueillir comme des frères les hommes de toutes les sectes et de tous les pays. Il n’avait excepté de cette association fraternelle que les catholiques et les juifs. La constitution de cet état avait principalement pour but de porter vers la religion toute l’activité humaine, de détacher les pensées de la terre pour les rattacher à l’autre vie. Des hommes de toutes les sectes affluèrent de bonne heure vers ce petit coin du monde, où ils trouvaient un asile assuré. Cependant les quakers et les frères moraves contribuèrent le plus à l’accroissement de la colonie, attirés qu’ils étaient par la communauté, ou au moins par la ressemblance des principes. L’Allemagne surtout lui fournit d’abondantes recrues, et en 1755, sur deux cent vingt mille habitans, l’état comptait plus de cent mille Allemands. Mais à mesure qu’il s’agrandissait, les inconvéniens de la constitution que Penn lui avait donnée devaient se faire sentir davantage. Bonne peut-être pour une réunion peu nombreuse d’hommes liés par la même foi, cette constitution était insuffisante pour une société plus étendue et pour des relations plus compliquées. Ainsi, lorsque, vers le milieu du XVIIIe siècle, il fallut prendre les armes pour défendre le pays contre les incursions des Français et des Indiens, tous les quakers de l’assemblée législative se démirent de