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et à ne regarder comme nécessaires ou importans que ceux qui sont plus généralement admis. Or, outre qu’il serait à peu près impossible de trouver une base commune pour l’enseignement religieux chez un peuple tellement divisé par les croyances, à moins de les sacrifier presque toutes, on retomberait par là dans la doctrine des dogmes fondamentaux que l’église catholique a réprouvée. Quelles seraient les vérités principales là où l’athéisme lui-même a été formulé comme dogme et où toute la morale a été réduite à la phrénologie ? Avoir autant de maîtres qu’il y a de sectes dont les enfans fréquentent les écoles serait chose impossible. Il ne le serait pas moins le plus souvent de fixer certaines heures, dans la journée ou dans la semaine, pendant lesquelles les ministres des diverses confessions viendraient instruire les enfans dans la religion de leurs parens. Les Américains ont donc pris le parti le plus sage, et le seul qui fût praticable pour eux. Ils ont voulu porter jusqu’à ses dernières conséquences le principe de la séparation de l’église et de l’état, en interdisant l’enseignement religieux dans les écoles. Ce principe est la base de leur constitution et de toutes les institutions qui en découlent ; il fallait, ou ne pas l’admettre, ou en accepter les conséquences. Ce qui prouve que l’application qu’ils en ont faite aux écoles ne nuit point au développement des sentimens religieux, c’est que nulle part la religion n’occupe une place aussi importante dans la vie, et ne provoque autant l’activité humaine qu’en Amérique. Le résultat de l’éducation n’est pas défavorable à la religion ; donc le principe ne lui est pas hostile. Il en serait tout autrement chez nous, parce que nos institutions sont différentes ; et la religion étant devenue en Europe, par le développement naturel de l’histoire, un élément social, il est juste qu’elle soit représentée dans l’éducation, comme dans les autres domaines de la vie, jusqu’à ce que la société ait revêtu d’autres formes qui exigent des institutions différentes.

Les jugemens les plus opposés ont été portés sur le degré et sur l’étendue de l’instruction en Amérique. Cette contradiction vient de ce qu’on ne distingue point assez les uns des autres les divers états qui composent l’Union, et qu’on attribue à tous en général les faits qu’on a observés dans quelques-uns. Et comme chaque état est souverain pour la plus grande partie des choses qui constituent l’administration intérieure, on conçoit facilement que l’instruction doive y être plus ou moins développée, selon le degré d’encouragement qu’elle y reçoit. De tous les états de l’Union, ceux qui composent la Nouvelle-Angleterre et qui ont été comme le noyau de tous les autres, sont ceux qui présentent, sous ce rapport comme sous tant d’autres, les résultats les plus satisfaisans. Toutefois des circonstances qui, chez nous, auraient moins d’importance, influent d’une manière sensible en Amérique sur le développement et la prospérité des écoles. Le général Dix, président des écoles populaires de l’état de New-York, en touche quelques-unes dans un rapport qu’il rédigea sur ce sujet il y a quelques années. « En examinant avec soin, dit-il, les rapports des directeurs des écoles, on voit que dans quelques comtés, ou dans quelques villes, les écoles ont été moins assiduement visitées pendant l’année 1835 que l’année