Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/877

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
873
LES CÉSARS.

efforts ? Il en est du monde comme de l’homme ; son salut est au prix de la grace du ciel, toute-puissante, mais qui ne se donne qu’à condition et veut être secondée par notre faible labeur.

Le christianisme est, divinement parlant, la cause de la civilisation moderne et son principe dans le passé ; humainement parlant, il en est le motif, la raison logique, la justification et le soutien dans le présent. La civilisation, si vous ne la faites absolument matérielle, repose sur des idées, et les idées ne sont efficaces que parce qu’on y croit. L’auteur, l’inspirateur, le persuasor de ces idées a été le christianisme, et, si l’on pénètre au fond des choses, lui seul leur donne force aux yeux de la raison. La civilisation sans lui, inconséquente et absurde, n’est plus qu’une habitude contre laquelle la nature humaine travaille sans cesse.

Néron était parfaitement logique, de même qu’il était parfaitement homme, conséquent autant qu’il était naturel, sans qu’il fût pour cela ni meilleur, ni plus excusable, ni plus raisonnable même. La fréquente répétition de crimes pareils aux siens pendant quatre siècles, l’exemple que lui avaient donné Tibère, Caligula, et ceux qui gouvernaient sous Claude, l’imitation que firent de lui tant d’autres, Commode, Domitien, Caracalla, Héliogabale surtout, qui s’appliqua à le contrefaire et à le calquer, prouvent qu’il cédait à un entraînement de sa position non pas irrésistible, mais puissant, naturel et vrai dans une situation contre vérité et contre nature, et que ce type de frénésie sanguinaire ne fut, après tout, que le produit régulier de son siècle et l’expression vive de l’humanité à son époque.


F. de Champagny.