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dises parties par les vaisseaux de la compagnie ne pénètrent que dans la région méridionale de l’Asie centrale, et une partie bien importante de notre commerce avec l’Asie se fait forcément par la Turquie et la Perse. L’exportation anglaise qui a lieu de ce côté était dans ces derniers temps d’une valeur d’un million sterling et demi à deux millions, c’est-à-dire égale à la moitié de tout le commerce que nous faisons avec l’Asie centrale. Or, les derniers évènemens qui ont eu lieu en Perse sont bien faits pour nous donner des inquiétudes, et nous faire songer à reprendre l’ancienne route commerciale de l’Asie par l’Égypte. Nous avons déjà perdu, par l’occupation de la Géorgie, les facilités de transit que nous avions avant que la Russie ne fût en possession des passages de montagnes qui séparent cette province de l’Arménie : — Que serait-ce donc si la Russie s’établissait, non pas aux Dardanelles, ce qui serait une entreprise que l’Europe entière serait intéressée à combattre, mais à Trébizonde, dont elle n’est séparée que par une très petite distance ?

Permettez-moi, monsieur, de m’arrêter avec vous quelques momens à Trébizonde, qui est l’entrepôt du commerce anglais avec la Perse et l’Asie centrale ; car c’est là que se débat une question bien importante pour l’Angleterre en ce moment. Je vous ai dit, et vous savez que de Trébizonde à Erzeroum et d’Erzeroum à Tauris a lieu un commerce régulier de caravanes qui portent dans l’intérieur de l’Asie les marchandises expédiées, par nos navires, de Constantinople au port de Trébizonde. Ce commerce était très florissant depuis plusieurs années ; mais cet état de choses tenait surtout à une fausse mesure commerciale prise par le gouvernement russe. Il faut vous rappeler qu’autrefois un grand commerce de transit pour les marchandises étrangères à la Russie se faisait d’Odessa avec les provinces transcaucasiennes par Redout-Kalé. Un faible droit de transit avait été fixé, en 1804, par le gouvernement russe. La valeur entière des marchandises ou un cautionnement équivalent était déposé à l’entrée, et restitué, moins le droit de transit, au lieu destiné pour la sortie. En 1808, pendant l’armistice conclu entre la Russie et la Porte ottomane, après le traité de Tilsitt, ce transit s’éleva à vingt millions de roubles. La plupart des marchandises de l’Asie venues à Constantinople étaient dirigées sur Odessa, de là à Brody en Pologne, d’où les juifs les transportaient à la foire de Leipzig. En cette année, ce transit produisit à la Russie environ deux millions de roubles. À la paix générale, le commerce de transit diminua et ne reprit qu’en 1818, époque où Odessa fut déclaré port franc. Les négocians russes