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projets d’accommodement différens : une confédération orientale, la saisie de l’Égypte comme gage si le statu quo était détruit, et enfin le partage de la Syrie entre le pacha d’Égypte et la Porte. Vous conviendrez que, si votre gouvernement n’arrange pas les affaires d’Orient, ce ne sera pas faute de conseils. Vous n’aurez pas de peine à croire que de ce côté-ci du détroit on est plus sobre en fait de spéculations, et qu’on s’occupe beaucoup moins de l’équilibre européen que de la nécessité de conserver les débouchés ouverts aux marchandises anglaises. À défaut de solution anglaise à vous envoyer en échange des vôtres, en voici une dont je vous dois certainement communication, car elle a été mise en circulation en ma présence, par un de vos compatriotes, qui a la réputation de ne parler jamais sérieusement, mais qui pourrait bien avoir dérogé cette fois, à ses habitudes. — Que peut-il arriver de plus fâcheux ? disait-il. Un conflit entre le sultan et le pacha d’abord, puis une expédition de la Russie pour soutenir le sultan à sa façon, et enfin un conflit de l’Angleterre et la Russie pour déloger celle-ci des Dardanelles ; car les Anglais ne peuvent, en aucun cas, souffrir l’établissement des Russes à Constantinople. Or, la France n’a rien à perdre, et peu de chose à faire surtout, dans ces trois cas ; car, ou la Turquie redeviendra une puissance en écrasant le pacha, et l’équilibre sera rétabli en Europe, ou l’Angleterre et la Russie auront à lutter pour l’Orient, et l’Europe sera forcée de prendre part pour l’Angleterre, et peut-être de choisir la France pour arbitre. Ainsi le rôle de la France est toujours le meilleur, et ses intérêts sont les moins compromis. Cette boutade a un côté vrai, je le dis avec mon impartialité ordinaire. La France est intéressée au maintien de l’empire ottoman sous le point de vue politique, tandis que l’Angleterre a un intérêt politique et un intérêt commercial immense à la conservation de cet empire. La France, il faut le dire, a le beau rôle ; nous verrons si elle saura le jouer. Elle seule peut-être, parmi les quatre grandes puissances, n’est pas intéressée pour l’heure à éviter le démembrement de l’empire ottoman, et, toute épigramme à part, je suis sûr que c’est elle qui s’y opposera le plus sincèrement. La Russie a pris aux Turcs tout ce qu’elle pouvait leur prendre sans s’exposer à donner envie à l’Europe de faire une croisade en faveur des infidèles. Elle leur a enlevé une partie de la Tartarie, la Crimée, les forteresses des provinces turques septentrionales, les côtes d’Abasie, la domination de la mer Noire, le commerce de la Perse ; elle s’est créé, par la protection, des sujets au sein même de l’empire turc ; elle l’a forcé de recourir à une