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LETTRES POLITIQUES.

proposait l’envoi d’une flotte anglo-française dans la Baltique, resta sans effet. Il est vrai, monsieur, que le département des affaires étrangères était alors remis, en France, au duc d’Aiguillon, qui était tout-à-fait incapable de le diriger, et que l’Angleterre éprouvait de grands embarras intérieurs, sans compter que l’Amérique septentrionale commençait déjà sa révolte, tandis qu’aujourd’hui, vos affaires extérieures sont entre les mains de M. le maréchal Soult, et que nous sommes parfaitement libres de soucis du côté des chartistes, des radicaux, et affranchis d’inquiétudes au sujet de l’Irlande et du Canada ! Aussi je n’établis pas la moindre similitude entre deux époques si différentes.

Pour en finir de cette citation, que je vous laisse libre de supprimer, je veux encore vous faire souvenir d’une petite circonstance de ce temps-là. La Pologne, qui était une faible puissance et qui se savait telle, se voyant dépouillée de ses plus belles provinces, et ayant tourné ses regards tour à tour vers la France et vers l’Autriche, s’avisa de s’adresser à l’un de ses plus proches voisins, au roi de Prusse, et de conclure avec lui un traité de garantie réciproque du territoire des deux puissances. Ce traité ressemblait à celui d’Unkiar-Skelessi, et les termes en étaient presque les mêmes. « Si une puissance étrangère, quelle qu’elle soit, y était-il dit, réclamait de s’immiscer dans les affaires intérieures de la Pologne, sa majesté le roi de Prusse s’engage à employer ses bons offices, pour prévenir les hostilités qui pourraient naître d’une telle prétention. Si ses bons offices demeuraient sans résultats, et si les hostilités contre la Pologne venaient à éclater, sa majesté le roi de Prusse, considérant un tel évènement comme un cas prévu dans le traité, prêterait assistance à la république, conformément à la teneur de l’article 14 du présent traité. » Deux ans après la Prusse envahissait une partie de la Pologne, et livrait aux troupes russes toute la ligne frontière qu’elle ne pouvait occuper. Voilà comment finissent quelquefois les traités de garantie réciproque.

Depuis ma dernière lettre, rien n’est changé en Europe, monsieur, les nouvelles ne sont pas plus positives, et le statu quo n’a pas été dérangé, à moins que vous ne preniez pour des évènemens militaires quelques engagemens entre les maraudeurs turcs et égyptiens que la faim et la soif poussent les uns contre les autres, pour se disputer quelques sacs de riz et des melons d’eau. Je vois cependant que les graves et sérieux organes de vos partis ont changé bien souvent de plan de solution. Un seul d’entre eux a proposé en quinze jours trois