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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/232

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mécaniques de ce côté ? On ne l’oserait pas. Sans nier donc les avantages bien réels que les cours d’eau peuvent offrir dans certains cas particuliers, nous croyons qu’on se trompe gravement en les comptant comme une ressource générale. Malgré le haut prix du charbon, on peut être assuré que la plupart de nos manufacturiers seront encore forcés de se servir de la vapeur. Ils subiront donc malgré eux tous les inconvéniens de la cherté.

Le fer, cette matière si nécessaire à toutes les industries, qui s’emploie dans les manufactures pour tant d’usages et sous tant de formes, le fer est encore grevé à l’importation en France d’un droit de 80 pour 100. En comptant les frais de transport, il est de 100 pour 100 plus cher qu’en Angleterre : nouvelle cause d’infériorité pour nous.

Grace à cette cherté du fer et du charbon, on comprend qu’il est impossible à nos mécaniciens, quelle que soit d’ailleurs leur habileté, de lutter avec les mécaniciens anglais quant aux prix. Pour eux, d’ailleurs, il n’y a point d’avantage à espérer sur la main d’œuvre ; car, à Paris, les ouvriers mécaniciens sont payés exactement sur le même pied qu’à Leeds. La différence du coût de la matière qu’ils emploient et du charbon qu’ils consomment, retombe donc de tout son poids sur le prix des machines ; et ce n’est pas estimer trop haut le surcroît que de le porter à 30 ou 35 pour 100[1]. Il faut donc, quels que soient les progrès que nous puissions faire, s’attendre à une différence assez constante de 30 pour 100 sur les machines dont nos filateurs se serviront. Cette différence serait bien plus considérable si, remontant vers le passé, on tenait compte du prix des machines qui ont été extraites d’Angleterre ; mais nous avons déjà dit que c’étaient là des sacrifices passagers, qui ne sont d’aucune considération pour l’avenir.

Nous n’insisterons pas sur les autres dépenses d’un ordre plus secondaire. On trouverait presque partout les mêmes différences à remarquer. C’est ainsi que, pour l’éclairage au gaz, généralement usité dans les filatures anglaises, et qui commence à se répandre en France, nos fabricans sont encore surchargés, à ce point que le gaz, qui ne coûte, à Leeds, que 4 francs les 1,000 pieds cubes, revient, à Lille, à 12 francs.

Pour couvrir tant de désavantages, quels sont les droits protecteurs que notre législation actuelle assure ? Les voici. Dans le tarif, qui date d’une autre époque, il existe une distinction assez marquée entre les fils d’étoupe et les fils de lin. Les premiers ne sont chargés à l’importation que d’un droit de 14 francs les 100 kilog., les autres paient un droit de 24 francs. Cependant la difficulté,

  1. La différence est moindre chez M. Decoster, comme on l’a vu ; mais c’est un résultat anormal, dû aux travaux particuliers de cet habile mécanicien, et qu’il ne faut pas généraliser. Nous avons sous les yeux les prix courans publiés par MM. Schlumberger et Debergue ; ils marquent une différence beaucoup plus forte. Il est vrai que ces constructeurs n’ont encore livré de machines à aucun établissement ; mais, par cela même, ils ont dû établir leurs prix par la comparaison générale des frais.